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Courrier des théâtres

Le Figaro – Samedi 1er mai 1880

On nous envoie de Bruxelles les détails suivants qui complètent notre dépêche d’hier :

M. Jacques Offenbach gardera le souvenir de son passage par Bruxelles où il était venu diriger la cinquante-septième représentation de la Fille du Tambour-major, pour le bénéfice de Mlle Lucy Abel.
Ce voyage n’a été qu’une succession non interrompue d’ovations. A peine arrivé samedi soir, le maestro recevait, à l’hôtel de Suède, une sérénade exécutée par l’orchestre des Galeries Saint-Hubert et composée de pots-pourris arrangés par le chef d’orchestre, M. Durieux, sur les motifs tirés de l’œuvre si considérable du compositeur.
Le lendemain soir, en arrivant au théâtre pour s’asseoir au fauteuil du chef d’orchestre, M. Offenbach a pu se croire dans une salle construite tout exprès pour lui. M. Carion avait fait rafraîchir les dorures et les peintures, et tout le long des galeries, depuis le paradis jusqu’au rez-de-chaussée, des appliques portaient dans des guirlandes de fleurs les noms des principales œuvres du héros de la fête. Sur les grands médaillons des premières loges, son nom se répétait en lettre d’or sur des tableaux d’azur ; au pupître du chef d’orchestre, ses initiales, J. O., se détachaient en or sur fond rouge ; le pupître était encadré de fleurs. Dans la salle, partout de grandes couronnes de fleurs, d’or et de feuillage ; des gerbes de fleurs de chaque côté du manteau d’Arlequin.
Quand le maestro est arrivé dans la salle, il a été acclamé comme un triomphateur. Après le premier acte, toutes les couronnes garnissant la salle ont été descendues et lui ont été offertes par les artistes. En même temps on lui offrait, de la part de la direction, une magnifique statuette en métal blanc, du sculpteur Harzé, représentant la Dorine de Molière.
M. Offenbach a répondu par un petit speech très ému, dans lequel il a fait très galamment l’éloge des artistes, de l’orchestre, et, surtout, de la bénéficiaire.
Celle-ci, naturellement, avait reçu à son entrée en scène des avalanches de fleurs et des tempêtes de bravos. Après le spectacle, un banquet réunissait les principaux interprètes et quelques invités autour du maestro, dans les salons du café Riche. Après le souper, on a dansé au piano, avec accompagnement de danses inédites du maître. A six heures du matin seulement le piano se taisait.
Quelle ovation, mais quelle fatigue.

Jules Prével.

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