PARIS. (Correspondance particulière) – (…) Quel bruit commence à se faire autour du Roi Carotte des tout-puissants seigneurs Sardou et Offenbach ! On se livre déjà aux indiscrétions — un système bien connu et toujours pratiqué. On parle des décors, des costumes — qui ne sont pas encore faits ; on vante tel tableau, tel morceau — que nul ne peut raisonnablement connaître. Bref, on prélude magistralement au sublime tutti d’éloges qui devra retentir au moment des répétitions générales. En d’autres temps, on pourrait trouver la réclame un peu hâtive et audacieuse ; mais aujourd’hui, il en faut prendre son parti et cela en vertu d’un raisonnement terrible mais logique que voici : nous avons besoin de quelque immense succès qui réveille le public et aide à la circulation de la monnaie. Or, le public étant, sous le rapport artistique, tout aussi SÉRIEUX qu’avant nos désastres, acceptons ce succès nécessaire, de quelque part qu’il nous vienne. Voici une féerie, une fantaisie nouvelle où sans doute on blaguera plus qu’autrefois, sous l’Empire, plus que jamais ; passe la fantaisie si elle doit avoir un grand succès et faire ainsi vivre tous ceux qui vivent des succès de théâtre. Je raisonne là comme un marchand de contremarques, mais les temps sont durs et, en attendant l’avenir, il faut accepter le présent tel qu’il se produit. Si maintenant le Roi Carotte est une œuvre relativement sérieuse et bonne, eh bien ! nous crierons doublement bravo. Du reste, Sardou et Offenbach ont assez de talent et d’esprit pour avoir fait une œuvre respectable qui satisferait à toutes les exigences du moment.
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M. Offenbach répète aux Bouffes, à la Gaîté et à l’OpéraComique, M. Hervé tient les Variétés et les Folies Nouvelles. L’Athénée donne ses soins à M. Jonas. Voilà la part du genre…… léger.
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Jules Ruelle.
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Toujours grande affluence à l’Ombre, où Monjauze. après une indisposition de quelques jours, a repris victorieusement son rôle de Fabrice. — Il avait été question de la rentrée de Marie Roze, mais les pourparlers, qui étaient pourtant déjà avancés, n’ont pas abouti. Il y a lieu de le regretter pour l’artiste et pour la direction. — Par contre Ismaël, qui a si brillamment succédé à Meillet dans l’opéra de Flotow et qui n’avait d’abord été engagé que pour les représentations de cet ouvrage, reste définitivement chez MM. de Leuven et Du Locle, et il doit créer le rôle du prince de Mantoue dans Fantasio. — Voici d’ailleurs la distribution du nouvel opéra d’Offenbach, qui aura trois actes et quatre tableaux : Fantasio, Mme Galli-Marié ; Lisbeth, Mme Priola ; Flamol, Mlle Moisset ; le prince, M. Ismael ; Marinoi, M. Potel ; Spareck, M. Melchissedec ; le roi, M.Bernard. (…)