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Pendant ce temps, à la Gaîté, on travaille dur. La dernière répétition générale du Voyage dans la Lune a eu lieu dimanche devant la censure et, ce soir, on ne s’occupe plus que de faire des raccords. On complète les costumes, on fait les retouches habituelles aux décors, on donne aux figurants des leçons d’entrée et de sortie, enfin c’est surtout le côté matériel du spectacle qui est en jeu. Car on a beau répéter pendant plus de deux mois, faire quinze relâches, déployer une activité constante, avoir à sa disposition un personnel intelligent, et plein de zèle, il arrive toujours qu’au dernier moment les pièces de cette importance manquent d’une foule de petites choses indispensables. C’est ce qu’on appelle « le coup de feu de la fin ».
Tout le monde est sur le pont ce soir. Godin règle avec Chéret l’éclairage du volcan ; armé d’un porte-voix, il commande à ses machinistes comme le capitaine de vaisseau au moment du branle-bas. Justament enseigne à son corps de ballet l’art de manœuvrer les accessoires. Vizentini fait répéter à ses musiciens l’ouverture qui arrive de la copie. Offenbach est à l’avant-scène donnant au régisseur Baudu des instructions complémentaires.
Maintenant que l’opéra-féerie de la Gaîté est prêt à paraître devant le public, nous savons d’une façon certaine quand aura lieu la première de la Créole.
Car, ces temps derniers, lorsqu’on demandait à l’auteur de la Créole quand il pensait passer, il répondait invariablement :
– Quatre jours après le Voyage dans la Lune !
Alors on s’adressait aux auteurs de la féerie :
– Eh bien, pour quand est-ce ?
Et ils répondaient invariablement :
– Quatre jours avant la Créole !
Un monsieur de l’orchestre.