Quarante représentations consécutives de la Grande-Duchesse n’ont pu encore satisfaire l’empressement du public de Bruxelles ; c’est le succès de la la [1] Belle Hélène qui se renouvelle. — Tous les théâtres de la province et de l’étranger s’apprêtent, du reste, à monter cet amusant ouvrage, qui a sur ses devanciers l’avantage d’être un véritable opéra-bouffe.
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On nous écrit d’Ems : « L’arrivée du roi de Prusse et de sa famille, la présence du prince Georges, du grand-duc Vladimir de Russie, du grand-duc d’Oldenbourg, d’une foule de hauts personnages et d’artistes, parmi lesquels on compte M. et Mme Jaell, Sivori, les deux Wieniawski, Laura Harris, Wachtel, le célèbre ténor de Berlin, Batta, etc., donnent en ce moment un grand éclat à notre ville.— Tous les augustes personnages assistaient à la première représentation de la Permission de dix heures, qui vient d’être donnée sous la direction d’Offenbach, conduisant lui-même l’orchestre. Cette pièce, charmante comme livret, a reçu un nouvel attrait de la musique qu’elle a inspirée à l’auteur de la Grande-Duchesse, et le succès a été complet. Sans abdiquer l’individualité qui lui a valu des victoires si éclatantes, Offenbach semble vouloir entrer dans une nouvelle manière, préludant ainsi aux œuvres plus sérieuses qu’il veut aborder. Ces tendances sont très-apparentes dans la musique de la Permission ; la distinction s’y allie heureusement à une légère dose de sentiment qu’anime l’opposition d’excellents effets comiques. L’ouverture est parfaitement en situation ; elle est vive, bien rhythmée, et annonce clairement le sujet. Sans entrer dans une analyse détaillée des morceaux qui composent cette jolie partition, il faut signaler le premier air du baryton, qui a bien l’allure et la crânerie militaires ; un morceau : Je voudrais faire une connaissance, fort applaudi, et le quatuor des Baisers très-réussi, et qui a enthousiasmé l’auditoire ; mais celui qui sera certainement le plus apprécié et qui a eu les honneurs de la soirée est le duo : la Permission de dix-heures est une bonne invention ; il deviendra certainement populaire. En somme, voilà un fleuron de plus ajouté à la couronne d’Offenbach, qui finira par devenir plus large que sa tête. Le rôle de Nicole a mis en lumière le charmant talent d’une élève de Duprez, Mlle Lemoine, qui possède une voix d’une grande pureté, qui vocalise admirablement et qui a été charmante de grâce, d’intelligence et de distinction. Mme Colas, dans le personnage d’une tante coquette, Gourdon, excellent comique, et Grillon, qui a très-bien saisi son caractère de franc luron, ont largement mérité les bravos qu’ils ont obtenus. »