Bernadille, qui consacre dans le Moniteur une excellente chronique à Offenbach, rappelle les joyeuses soirées de cet appartement de la rue Lafitte, où le maestro passa les plus brillantes années de sa vie. Un des habitués de ces soirées était M. Gustave Doré, que Bernadille dévoile sous un nouveau jour :
C’est dans ces bals costumés que Gustave Doré, non moins habile dans les exercices du corps que dans ceux du crayon et de la brosse, et qui eût pu devenir le premier gymnaste de Paris, s’il n’avait préféré devenir le premier dessinateur de France, excitait l’admiration de la galerie par son infatigable ardeur. On faisait cercle pour lui voir exécuter son cavalier seul sur les mains – figure qui a conservé, dans la « danse des salons le nom de pas de Gustave Doré.
Il changeait de costume deux ou trois fois par soirée et dépensait à ce travail autant d’imagination qu’il lui en a fallu pour illustrer l’Arioste. On a conservé, avec des pelouses coupées d’étangs, et autour de ses cheveux des insectes et des papillons qui s’envolaient de toutes parts. Un jour, pour se déguiser en Méphistophélès, il s’enduisit la figure de vert-Véronèse, et faillit mourir empoisonné.
On jouait aussi des parodies, des opérettes et des charades. La parodie du Trouvère, intitulée l’Enfant trouvère fut représentée avec cette distribution :
Le comte de Luna | MM. | A. Decourcelles |
Le bourreau | E. About | |
Léonore | Gustave Doré | |
Azucena | Hector Crémieux |
A la fin de la pièce, le comte de Luna en déduisait la moralité en ces termes sur un air d’Offenbach :
Si j’ai tué ce pauvre enfant trouvère,
Il ne faut point m’r’procher son trépas
Car à présent je sais qu’il est mon frère,
Mais tout à l’heur’ je ne le savais pas.
Adolphe Racot.