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Gazette des tribunaux

Le Figaro – Mercredi 8 janvier 1879

Tribunal civil : Le mariage de Mlle Gélabert, des Folies-Dramatiques. – Tribunal correctionnel de Perginan : Les offenses envers le roi d’Espagne.

Un procès est en ce moment pendant, devant la 4e Chambre du tribunal civil, entre « Mlle Marie Conchita-Gélabert, artiste dramatique, demeurant à Paris, rue des Marais-Saint-Martin, n° 52, » et « M. Legru, commissionnaire en sucres, rue de Milan, n° 5. »

A voir cet en-tête du placet, on croirait qu’il s’agit d’une contestation sur une fourniture de denrées coloniales. Pas du tout, il s’agit d’une promesse de mariage.

Au commencement de l’hiver 1877, M. Legru devint, paraît-il, amoureux de Mlle Gélabert, qui remplit aujourd’hui le rôle de Suzanne dans Madame Favart. Le 26 février 1877 (date fatale), M. Legru demandait Mlle Gélabert en mariage, et la main de cette dernière lui était accordée.

M. Legru mit cependant une condition au mariage : il exigea que sa future quittât immédiatement le théâtre et refusât tout autre engagement à l’étranger. Mlle Gélabert, qui était liée avec les Folies-Dramatiques, quitta en effet ce théâtre. Son engagement stipulait un dédit de 20,000 francs en cas de résiliation, et M. Legru versa aussitôt un à-compte de 10,000 fr., entre les mains de M. Cantin. A cette même époque, on offrit a Mlle Gélabert un engagement très avantageux à l’étranger qu’elle refusa. Cet engagement lui assurait 90 représentations à 200 fr., par soirée, soit une somme de 18,000 fr. Or, après avoir fait sa cour et manifesté les intentions les plus matrimoniales jusqu’au mois d’avril 1877, M. Legru a tout à coup cessé ses visites chez Mlle Gélabert, qui, depuis ce temps, n’a plus entendu parler de lui. Dans ces conditions, Mlle Gélabert se croit fondée à penser que M. Legru a renoncé à toute idée de mariage, et cela sans s’inquiéter du préjudice énorme qu’il a causé à sa fiancée de quelques jours. Elle établit son compte de la manière suivante, et en réclame le montant à M. Legru :

D’abord les dix mille francs restant à payer sur le dédit dû à M. Cantin ; ensuite les dix-huit mille francs représentant ce qu’elle aurait gagné en acceptant l’engagement qu’on lui offrait à l’étranger.

M. Legru riposte d’abord à la demande de Mlle Gélabert, en prétendant que cette dernière étant Espagnole, doit, avant tout, ainsi que l’indique la loi, fournir une caution judicatum solvi, et prie le tribunal de fixer cette caution à 5,000 francs.

Puis M. Legru déclare ne rien devoir à Mlle Gélabert, et se réserve même de former contre elle une demande reconventionnelle en dommages-intérêts, à raison du procès qu’elle lui intente et qui est de nature à porter atteinte à sa réputation et à sa situation commerciale.

Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette petite querelle intime.

(...)

Fernand de Rodays.

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