Ce soir, aux Bouffes, reprise de Babiole, l’opérette villageoise de MM. Clairville, Gastineau et Laurent de Rillé.
Cette pièce, suffisamment amusante, et dont la musique est très vive, très gaie et fort agréable à entendre, n’a peut-être pas fourni, lors de son apparition, toute la carrière qu’elle, méritait. Il a fallu la chute de la Marocaine pour qu’on ait songé à cette reprise, et je ne serais pas surpris que l’œuvre aimable de L. de Rillé profitât de cette occasion pour entamer cette fois une série de représentations fructueuses.
Pour mon compte, je souhaite vivement une pareille aubaine au théâtre, au directeur et aux artistes, non moins enguignonnés que sympathiques
Ce soir déjà, tout marchait à merveille. Le public s’amusait beaucoup, et les applaudissements se faisaient entendre à chaque morceau. Ceux qui n’avaient pas revu Babiole depuis la première, qui fut assez froide, s’abordaient pendant les entr’actes en se disant d’un air assez étonné :
— Mais ça va très bien
— Ma foi oui... c’est drôle ; cela m’avait paru moins amusant la première fois. D’ailleurs, voilà déjà pas mal de fois que j’ai l’occasion de constater ces sortes de revirements. Il y a des pièces qui n’ont pas de chance le jour de la première. On les a jugées sévèrement le soir de cette dangereuse solennité, puis on les revoit par hasard et l’on éprouve, à cette seconde audition, un plaisir inattendu. Parmi les cas les plus récents, je citerai la Boulangère a des écus qui fut jouée pour la première fois aux Variétés devant un public de première très grincheux, un public qui n’était pas à prendre avec des pincettes. Ce fut un bon succès... d’estime, et la malheureuse Boulangère ne put tenir longtemps l’affiche. Plus tard, la direction, qui croyait à cette pièce, tenta une reprise, et obtint alors une réussite complète.
On dut se borner à s’étonner du fait, sans chercher à s’expliquer comment la même œuvre avait pu produire des effets si dissemblables à quelques mois d’intervalle.
Avec de pareils exemples, il est en effet bien difficile de se répondre quand on se demande à quoi tient un succès.
(...)
Un Monsieur de l’orchestre.