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Chronique musicale

Le Figaro – Dimanche 7 octobre 1855

Réouverture du Théâtre-Italien. – Verdi retiré sous sa tente. – Le Triumvirat Bottesini – Salvi – Fiorentini. – M. Calzado. – Mosè et le
Moïse Français. – M. Angelini. – M. Carrion. – M. Everardi. –Madame Fiorentini. – Bouffes-Parisiens. 1re représentation de Madame
Papillon
, paroles de M. Jules Servières, musique de M. Jacques Offenbach. – Pradeau.

(…) Je ne suis pas de ceux qui disent : « C’est absurde ! c’est une bouffonnerie ! » Mais l’absurde, c’est la gaité et toute la comédie de ce temps ci. Lassagne et Grassot sont absurdes, et c’est ce qui les élève pour moi au rang de princes de la farce. Au théâtre, vive l’extravagance ! car il n’y a plus que cela qui m’amuse, Et puis, pensez-vous qu’il ne faut pas avoir beaucoup de prime-saut et d’originalité dans l’esprit pour imaginer les non-sens de la Question d’Orient et des Deux Aveugles ?

Dans un ordre de pièces plus élevées, demandez à M. Scribe ce qu’il prise davantage du Mariage d’inclination ou de la farce, sifflée dix soirs de suite, de l’Ours et le Pacha… Il a donné vingt pendants heureux au petit chef-d’œuvre du Gymnase : il n’a pas retrouvé une seconde fois la verve qui lui fit improviser en se jouant la bouffonnerie sans queue ni tête du théâtre des Panoramas.

J’ai donc ri franchement, et sans en être plus honteux pour cela, aux extravagances amoureuses de Madame Fiorentini (pardon je voulais dire Madame Papillon) de M. Jules Servières. M. Jules Servières, que je n’ai pas l’honneur de connaître, entre au théâtre par la bonne porte, celle de l’éclat de rire bien absurde et bien franc. J’aime mieux, pour son avenir, le voir débuter de la sorte, que s’il se fût avisé d’aligner les deux mille alexandrins d’une tragédie renfermée
dans la règle des trois unités. Je sais qu’il a de la verve et de la gaieté, et cela me suffit, comme à lui, je pense. Maintenant ne me demandez pas ce que c’est que Madame veuve Papillon. Autant que me l’ont laissé deviner les Cascades de Pradeau, c’est une Bélise provinciale qui s’imagine que tous les jeunes gens lui font la cour, et qui est finalement prise en flagrant délit d’intrigue amoureuse aux fenêtres par son futur gendre.

Pradeau (Madame Papillon) a trouvé dans ce nouveau rôle des effets inouïs d’extravagance. Pradeau a l’imprévu de la charge il en a aussi l’originalité. Il faut le voir affligé d’un coriza, dansant et vocalisant son Boléro, levant pudiquement la jambe jusqu’à la hauteur de l’œil, et disant d’une bouche tordue, en mimant un accompagnement de trombonne [1] ou de contrebasse, le non ! formidable dont il accueille les supplications de son gendre qui lui chante le grand air de Grâce

Offenbach, avec sa facilité inépuisable, a écrit un bolero mélodique entrainant, et un excellent duo de scène pour cette farce qui eût réussi même sans musique. Le bolero des Deux Aveugles a, dès à présent, un frère jumeau, et le théâtre des Bouffes-Parisiens compte une excellente bouffonnerie de plus dans son répertoire. Là est son succès actuel, là aussi est son avenir. Qu’il laisse aux théâtres à prétention les pièces bien faites, les chefs-d’œuvre tirés à quatre épingles, et qu’il garde la bonne grosse gaieté de nos pères en
déshabillé : son lot est le meilleur. Le spectateur veut s’égayer à ses pièces : il aura toujours assez d’art, s’il connaît l’art de provoquer le rire.

B. Jouvin.

[1SIC

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