Nous recevons de Vienne un renseignement tout à fait extraordinaire. M. Jauner, le directeur du Carl-Theater, qui est en même temps le directeur du Grand Opéra, aurait acquis d’un auteur viennois une pièce-féerie dans le genre du Voyage dans la Lune, avec départ en canon, descente dans un volcan, etc., et la monterait en ce moment de façon à passer avant le vrai Voyage dans la Lune, de MM. Offenbach, Vanloo, Leterrier et Mortier, qui appartient par traité au théâtre An der Wien.
Ce faux Voyage dans la Lune est fabriqué nous assure-t-on, à l’aide des pincipaux romans de Verne : De la Terre à la Lune, Cent mille lieues sous les mers, Le voyage au centre de la Terre, etc.
Nos auteurs français étaient depuis longtemps habitués à ces procédés de piraterie littéraire, mais c’est la première fois, – croyons-nous – qu’un pareil fait se produit à Vienne où l’on a toujours scrupuleusement respecté nos ouvrages dramatiques.
De la part de M. Jauner, le procédé nous surprend d’autant plus que ce directeur occupe à Vienne une position considérable, qu’il a toujours eu avec nos auteurs parisiens des relations excellentes, et que l’expédient auquel il a recours pour faire concurrence à un de nos confrères, est vraiment indigne d’un homme dans sa situation.
Pour monter immédiatement la version viennoise du Voyage dans la Lune, M. Jauner retarderait la représentation de la Boulangère a des écus, qui, d’après des conventions intervenues avec les auteurs de cette opérette, devait être jouée avant la fin de l’hiver.
Nous reviendrons certainement sur ce fait qui prouve à nos auteurs que, même à Vienne, ils ne sont pas à l’abri de la contrefaçon.
Charles Darcours.