Il n’y a vraiment qu’Offenbach pour avoir de ces idées neuves, ingénieuses, populaires et… généreuses ! Lisez la lettre que le directeur de la Gaîté vient d’adresser aux rédacteurs en chef des grands et petits journaux de Paris :
8 mars 1875
Je donne, dimanche 21 courant, à une heure de l’après-midi, une représentation de Geneviève de Brabant – GRATUITE – en faveur des Protes et Ouvriers typographes de tous les journaux de Paris.
C’est le moindre remercîment que je puisse adresser à la Presse parisienne pour la façon gracieuse dont elle m’a toujours traité.
C’est aussi le moindre dédommagement que je puisse offrir à tous ces ouvriers qui impriment le compte-rendu d’une pièce sans la connaître, qui célèbrent des décors et des merveilles de mise en scène sans les voir, et qui mettent tous les jours le couvert d’un dîner qu’ils ne mangent pas.
Je tiens à ce que ces braves gens prennent, eux et leurs familles, une part de ces plaisirs et de ces succès dont ils parlent.
Ceci dit, l’avant-veille de la représentation, je répartirai également toutes les places de mon théâtre entre les divers journaux parisiens, et j’aurai l’honneur, tout aussitôt, de vous envoyer le nombre et la désignation des places qui vous seront attribuées.
Agréez, je vous prie, monsieur le rédacteur en chef, l’expression de ma considération distinguée.
JACQUES OFFENBACH.
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Voilà une lettre qui va révolutionner toutes les imprimeries parisiennes. Révolution pacifique – et joyeuse. Personne ne songeait à ces braves gens qui ne voient souvent que sur la copie les merveilles que nous décrivons – ou qui, s’ils obtiennent un billet de faveur, ne le reçoivent généralement qu’après la centième, alors que les costumes n’ont plus l’éclat ni la fraîcheur dont ils s’étaient faits les apologistes. Offenbach a pensé à eux, et là, comme en beaucoup de choses, c’est à lui que revient l’initiative d’une idée qui fera chanter sa gloire dans toutes les imprimeries.
Après cela, je crois que nous serions mal venus à éreinter le maëstro : les typographes se refuseraient certainement à composer des articles désobligeants pour le directeur qui leur aura offert le spectacle le plus brillant auquel Paris ait assisté.
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Mme Judic, avant de quitter Paris pour se rendre à Saint-Pétersbourg, a signé un nouvel engagement avec M. Comte.
Mme Judic fera sa rentrée aux Bouffes-Parisiens au mois de septembre prochain, dans la Créole, opérette en trois actes d’A. Millaud, musique d’Offenbach.
Jules Prével.