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« Geneviève de Brabant » au théâtre de la Gaîté

L’Illustration – 6 mars 1875

La nouvelle Geneviève de Brabant n’a rien de commun avec l’ancienne, celle que nous connaissions, la Geneviève à la biche. De par M. Offenbach et le théâtre de la Gaîté, c’est aujourd’hui une princesse des mille et un jours et même des mille et une nuits, menant grand train et grand tapage, à travers une enfilade de quatorze tableaux de la plus exhilarante fantaisie.
On n’attend pas de nous sans doute un compte rendu impossible de ce salmigondis, auquel ont collaboré, pour en faire l’œuvre la plus folle, la plus fantastique et la plus éblouissante que l’on puisse imaginer, l’art du musicien, du costumier, du maître de ballet, du décorateur et du metteur en scène. On ne raconte pas ces choses-là, on les montre ; et c’est ce qu’a fait très-spirituellement, avec la pointe de son fin crayon, M. Marie, notre collaborateur.
Au centre de son dessin il a placé la seule scène simple, mais non la moins amusante, que l’on rencontre en cet Alhambra de l’hallucination : celle qui se passe au fond d’un âpre vallon, entre Geneviève éplorée et les deux hommes d’armes chargés de la mettre à mort. Rien de cocasse comme l’intrépide stupidité de ces deux hommes. Autour de ce médaillon on voit, esquissées d’une main légère, les principales scènes de la pièce, et reproduites d’un trait toujours vif les figures de premier plan qui l’animent. En haut c’est Thérésa et tout le personnel du ballet du premier acte, bébés et nourrices escortées du pioupiou de rigueur, pour qui les cornes qu’elles portent par-dessus leurs bonnets cauchois n’ont rien de menaçant. À gauche, voilà Geneviève à son balcon, au pied duquel se trouve le petit marmiton qui sera dans un instant le page que l’on voit tout au bas du dessin, entre Charles Martel partant en guerre et le traître Golo, regardant de travers le couvre-chef de son maître Siffroy. Enfin, à droite, c’est le cortége de Mme Armide, défilant devant elle, couple par couple, d’amoureux bien entendu, de tous les temps et de tous les lieux : Héro et Léandre, Daphnis et Chloé, Othello et Desdémone, Roméo et Juliette, Paul et Virginie, sans compter les amoureux lyriques Raoul et Valentine, Georges et la dame blanche, Sigismond et Rachel, alternant avec les couples du répertoire d’Offenbach ! Il y a bien encore l’apothéose finale avec sa nef aérienne et ses vols d’anges aux ailes d’argent ; mais il n’a pas trouvé place dans le dessin de notre collaborateur, et nous nous arrêtons. Aussi bien, n’en avons-nous pas assez dit pour laisser deviner à qui ne l’a pas vu ce que peut être ce beau spectacle à bâtons rompus dont la musique est l’âme. En effet, romance par-ci, duo par-là, pot-pourri d’airs tirés d’opéras célèbres, ce ne sont que chansons. M. Offenbach en a mis partout et sans doute il a bien fait puisque, en fin de compte, il a certainement retrouvé dans Geneviève son succès d’Orphée aux enfers.

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