Par date

Courrier des théâtres

Le Figaro – Mercredi 16 mars 1870

Voici ce que nous lisons dans le Courrier des États-Unis, correspondance de New- York. — Le fait est amusant :

C’est au Théâtre-Français qu’une bien autre tempête a failli éclater avant-hier soir. Il y avait chambrée complète d’abord pour entendre et voir madame Howard Paul dans la Grande Duchesse, mais ensuite et surtout pour voir le prince Arthur dans une avant-scène. La loge était décorée de guirlandes et de drapeaux les pavillons anglais et français mêlaient leurs couleurs à celle de la bannière américaine ; la salle était éblouissante de lumières, de toilettes et de beautés. Mais la loge est restée vide, et le public n’était pas content ; on parlait de mystification, et, comme la soirée s’avançait, les murmures prenaient les proportions d’une marée montante ; bref un orage était imminent lorsqu’une inspiration de génie a sauvé la situation.

Un bruit se fit vers la loge princière, la porte grinça sur ses gonds, toutes les lorgnettes se braquaient sur le point menacé et l’on vit apparaître, non pas le prince Arthur avec son aide de camp, mais le prince Paul, sous les traits de Francis, en grand uniforme, suivi de son mentor, le baron Puck, représenté par l’illustre Génot, avec son parapluie à tête de canard. On se figure le coup de théâtre ! Et l’orchestre d’entonner de confiance le God save the Queen ! Ce fut une explosion à tout faire crouler.

On rit à se tordre. On était désarmé et le tour fut si bien joué qu’on s’en amusa certainement davantage qu’on ne l’eût fait de la présence du noble scion de la couche royale d’Angleterre. Puisse ce succès de Paul être une leçon pour Arthur ! Un prince est aisément remplacé par un autre surtout si le remplaçant du prince sérieux est un prince pour rire.

Gustave Lafargue.

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager