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Courrier des théâtres

Le Figaro – Lundi 3 janvier 1876

Les nombreuses matinées dramatiques qui ont eu lieu hier n’ont pas été brillantes partout. (…)

C’est à la Gaîté surtout que la salle offrait un coup d’œil curieux. Partout, aux loges, aux avant-scènes, au balcon, à l’orchestre, des rangées d’enfants et de jeunes filles en toilettes charmantes. Dans une loge de côté, deux magnifiques nourrices, avec leurs nourrissons : pendant les entr’actes, les nourrices se dégrafaient les bébés passaient dans la salle à manger ; cette façon nouvelle de luncher au théâtre a été beaucoup remarquée. Mais quelle concurrence pour le buffet !

Un incident fâcheux a signalé la représentation.

Le régisseur de la Gaîté avait oublié de prévenir les pompiers et, au moment de commencer le spectacle, on s’est aperçu de cet oubli.

Immédiatement, on a couru à l’état-major.

A l’état-major, on était sur les dents. Il paraît qu’au Théâtre Historique et au théâtre du Châtelet le même oubli avait eu lieu, et on ne savait comment y remédier sans perdre de temps.

Cependant, vers une heure et demie, M. Vinzentini recevait, de l’état-major, une dépêche ainsi conçue :

« Détachement commandé. En route. Conformez-vous au règlement. »

Cela voulait dire : Ne commencez la représentation que lorsque le détachement sera arrivé.

Malheureusement, les pompiers faisant le service des matinées sont casernés à Passy. Il leur fallut une bonne heure pour venir à la Gaîté.

Dans la salle, on s’impatientait ferme. On envoya le régisseur réclamer l’indulgence du public en prétextant un accident arrivé à un décor. Impossible de dire la vérité ; le mot seul de pompier prononcé par le régisseur eut jeté l’alarme dans le public.

Un instant, il fut question de rendre l’argent. Mais les enfants s’y opposèrent avec énergie :

– Nous voulons qu’on garde l’argent et qu’on joue, dirent-ils en chœur.

Ce n’est qu’à deux heures vingt minutes que le chef d’orchestre put attaquer l’ouverture ; c’est-à-dire après une attente de plus d’une heure. Quelques spectateurs seulement – cinq ou six au plus – s’étaient fait rembourser le prix de leurs fauteuils, mais ils ont été vite remplacés par d’autres qui n’attendaient que cela pour entrer. C’est évidemment à la présence des bambins que l’administration de la Gaîté doit de l’avoir échappé ainsi.

On a essayé de rattraper le temps perdu en coupant la moitié de tous les couplets, des chœurs entiers et en brûlant les scènes autant qu’on pouvait brûler. Les petits spectateurs ne se sont pas moins amusés pour cela.

MM. Christian, Grivot et Mme Peschard, qui commencent la pièce et la finissent, auront fait là un véritable tour de force, car nous ne pensons pas qu’ils aient eu le temps de dîner entre les deux représentations.

La recette s’est élevée à 9 404 francs et, pendant qu’on jouait, une queue formidable était au bureau de location, se faisant inscrire pour les représentations suivantes.

Jules Prével.

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