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Gazette des Tribunaux

Le Figaro – Vendredi 22 octobre 1875

Tribunal de Commerce : M. Delannoy, du Vaudeville, contre M. Jacques Offenbach.

M. Offenbach, pendant qu’il était directeur de la Gaîté, a eu l’idée de monter une grande féerie ayant pour titre Don Quichotte. Il a cherché quel était l’acteur, à Paris, dont le physique et le talent pourraient le mieux convenir au rôle du chevalier de la Triste Figure, et son choix s’est arrêté sur M. Delannoy, du Vaudeville.

En vertu d’un traité qui porte la date du 28 décembre 1874, M. Delannoy s’est mis à la disposition de M. Offenbach du 15 août 1875 au 15 janvier 1876. Il s’est fait garantir six semaines de répétitions, cent représentations, et un cachet de 100 francs par répétition et par représentation.

M. Offenbach n’est plus directeur de la Gaité, et Don Quichotte n’a pas été joué. M. Delannoy, qui avait quitté le Vaudeville pour la Gaîté, a alors assigné M. Offenbach en résiliation de son engagement et en paiement de 25,000 francs de dommages-intérêts.

L’affaire vient d’être, jugée par le tribunal de commerce. Me Schavé, agréé de M. Delannoy, a fait valoir le préjudice qui lui a été causé. Me Marraud, agréé de M. Offenbach, a soutenu que l’engagement était resté en souffrance par force majeure, et que d’ailleurs M. Offenbach n’étant plus directeur de la Gaîté devait rester étranger au procès.

Le tribunal a statué en ces termes :

Attendu que Delannoy s’est mis dès le 14 aout 187S, par exploit de Bourgoint, huissier à Paris, à la disposition d’Offenbach pour le 15 août, époque fixée pour le commencement des répétitions dont s’agit ;

Que cependant depuis cette époque il n’a pu obtenir d’Offenbach la remise du rôle qui lui avait été promis ;

Attendu que si pour se soustraire à ses engagements Offenbach allègue qu’il ne serait plus directeur de la Gaîté, il est établi par tous les documents de la cause qu’il a traité en cette qualité avec Delannoy, que seul il est responsable des engagements qu’il a pris envers lui, qu’il n’établit en outre qu’aucun cas de force majeure ainsi qu’il le prétend l’ait mis dans l’impossibilité d’exécuter les conventions de décembre 1874, qu’il doit donc en supporter toutes les conséquences ;

Attendu que, de tout ce qui précède, il ressort que c’est par le fait d’Offenbach que les conventions verbales du 28 décembre 1874 n’ont pu recevoir leur exécution ; qu’il convient donc d’en prononcer la résiliation contre lui ;

Sur les dommages intérêts :

Attendu que la résiliation des conventions qui va être prononcée cause à Delannoy un préjudice dont il lui est dû réparation ;

Attendu que le tribunal a les éléments suffisants pour en déterminer l’importance, qu’il fixe à 8 ,000 francs, au payement desquels il y a lieu d’obliger Offenbach ;

Par ces motifs,

Le Tribunal jugeant en premier ressort déclare résiliées contre Offenbach, à partir de ce jour, les conventions verbales du 28 décembre 1874 ;

Condamne Offenbach par les voies de droit à payer à Delannoy, à titre de dommages-intérêts, la somme de 8,000 fr ;

Condamne, en outre, Offenbach en tous les dépens.

On annonce que M. Offenbach a interjeté appel.

Fernand de Rodays.

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