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Théâtres

Le Figaro – Mardi 6 août 1867

Il s’est passé samedi, aux Bouffes, une scène assez plaisante

Une dame anglaise avait loué dans la journée des places qu’elle occupait le soir avec sa famille. Elle assista assez calme à la représentation du premier vaudeville et à la moitié du second mais, vers neuf heures, ce calme se changea en fureur, et l’Anglaise commença à se plaindre, à murmurer, répétant avec insistance :

– La belle Hélène ! Je veux la belle Hélène !

L’irritation de la dame augmentait toujours, et ses réclamations devenant de plus en plus turbulentes, les sergents de ville durent intervenir et engager la plaignante au silence. Mais elle n’écoutait rien :

–La belle Hélène ! Je veux la belle Hélène ! il me la faut ! Je l’exige, répétait-elle en élevant toujours la voix.

Les agents durent la prier de sortir et la menèrent au contrôle mais là, l’Anglaise s’emporta, criant :

– Je suis venue pourvoir la Belle Hélène ! On me joue des choses qui ne m’amusent pas du tout, au contraire. Qu’on me joue la Belle Hélène ou qu’on me rende mon argent !

Les contrôleurs s’évertuèrent vainement à expliquer à cette anglaise furibonde, autant qu’illogique, qu’elle s’était trompée de théâtre, qu’aux Bouffes on n’a jamais joué la Belle Hélène, que l’affiche ne promet nullement cette opérette, et que seul le théâtre des Variétés...

– C’est une indignité et un vol ! répétait l’anglaise exaspérée. Qu’on me rende mon argent !

A bout d’arguments, le contrôleur pria les agents de conduire la plaignante s’expliquer devant le commissaire de police. Ce qu’ils firent.

Mais le magistrat ne fut pas plus heureux que le contrôleur et ne put jamais faire comprendre à la dame anglaise que sa réclamation était parfaitement absurde.

Il dut y renoncer et la renvoya.

– C’est un vol indigne ! répétait encore l’anglaise en s’en allant, et j’en aurai raison. Je vais porter plainte à mon ambassadeur.

Elle a dû le faire.

Ces anglais nous font toujours rire, donc !

Jules Prével.

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