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C’est une très-agréable soirée qu’on passe au Docteur Ox, quasi-féerie en trois actes et six tableaux, que vient de représenter le
théâtre des Variétés. De la fantaisie, de l’ingéniosité, l’esprit de
Gille et de Mortier, trempé dans la physique amusante de Jules
Verne, une mise en scène luxueuse, de charmantes femmes, le
chatoiement des costumes, la musique si verveuse d’Offenbach, le
merveilleux gaz oxyhydrique, tous ces charmes combinés s’emparent,
irrésistiblement du spectateur et le grisent en quelque sorte. La
pièce serait exécrable qu’il n’aurait pas la force de s’en apercevoir,
encore moins de la discuter. Évidemment il y a de la magie dans
tout cela et Robert-Houdin a passé par là. Le gaz étonnant, qui ne
doit opérer que, sur les personnages du drame, dépasse évidemment
la rampe et gagne jusqu’aux fauteuils d’orchestre. Monsieur Bertrand,
cela n’est pas de jeu !
Et quelle Circé que cette Judic, dans le rôle à transformation de
la princesse Prascovia ! Ardente et maladive à la fois sous les oripeaux de la tzigane, c’est la Salomé de Regnault ; pittoresque et
lourde sous les rudes jupons de la servante flamande, elle semble
descendue d’un tableau de Rembrandt ; sous le feutre du jeune seigneur, quelle adorable tête gamine et malicieuse ! — Jamais elle
n’a été aussi complète.
A côté d’elle, deux hors-d’œuvre de haut goût, deux contrastes
également plaisants, la beauté puissante de Mlle Angèle, la beauté
gracieuse de Mlle Beaumaine, une jeune ingénue toute blanche et
toute frissonnante.
Du côté des hommes : Aline Duval, la duègne excentrique, l’excellent Dupuis, Léonce, Pradeau, Baron, Dailly, toute la joyeuse phalange enfin.
Sans vouloir entrer dans le détail d’une partition très-touffue,
très-mouvementée, comme en écrit à son habitude le maître Offenbach, il nous faut cependant citer, hors pair, l’adorable chanson
bohémienne du deuxième tableau, une inspiration des meilleurs
jours, qui méritera de survivre aux cent représentations promises au
Docteur Ox.
Marius Boullard avait repris sa place au pupitre de chef d’orchestre ;
c’est dire que l’exécution générale a été vivante et chaleureuse.
H. MORENO.
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