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Petit courrier des théâtres

Le Figaro – Jeudi 8 septembre 1864

« – Qu’avez-vous fait de cette France si belle que je vous avais laissée ? »

Sans avoir tout à fait les mêmes raisons que Jacques Offenbach pour ne voir la France que dans les Bouffes-Parisiens, je comprends, jusqu’à un certain point l’apostrophe dont, à son retour, il vient d’asperger tout le personnel du théâtre, tremblant au son de ces accents jadis si connus et toujours si allemands.

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« – Donc, dit le maître en entrant tout droit dans son ex-cabinet, et en s’asseyant dans son ex-fauteuil, donc, à qui faut-il s’adresser maintenant, si par hasard on a affaire aux Bouffes-Parisiens ?

– S’il s’agit de la scène, c’est à moi, répondit l’un des assistants.

– Oh ! oh ! bonjour M. Mestepès ; et s’il s’agit de la caisse ? hasarda Offenbach.

– Une voix timide répondit C’est à moi.

– Ah ! ah ! salut à l’ami Lapointe ; mais s’il s’agit d’administration ?...

– Cela regarde M. Hanappier.

– Qui, M. Hanappier ?

– Le nouveau gérant, le cogérant de M. Varney, vous n’avez donc pas lu l’annonce des Petites-Affiches ?

– Non, je n’ai lu que nos statuts et je vais les relire, car il me semble bien que l’on ne devait avoir affaire qu’à un seul gérant ; or, un et un font deux.

Puis, poussant un soupir : Un cogérant ! c’est donc pour cela qu’ils ont agrandi mon fauteuil, qui était si petit, si commode, où l’on était si bien, et si chez soi, – où l’on chantait si gaiement Orphée aux Enfers et la Chanson de Fortunio ! et Varney, il reste à l’orchestre, soit, c’est bien sa place mais où est-il ?

– Il est à Rouen, où il va chercher la troupe qui donne des représentations.

– Ah ! il y a encore une troupe des Bouffes-Parisiens, ouf ! je respire ce cher Léonce !

– Léonce n’est pas rengagé.

– Ce bon gros Pradeau !

– Pradeau est au Gymnase.

– Cette charmante Bouffar !!

– Mlle Bouffar demandait 500 francs par mois, et, vous comprenez, comme nous ne les avions pas inscrits dans notre budget.

– Mais alors, que vous reste-t-il ?

– Mais nous avons Pelva, Désiré, Mlle Tostée...

– Ah ! ah ! et quand comptez-vous ouvrir ?

– A la fin du mois.

– Il y aurait pourtant 99 recettes à faire en ce moment avec les étrangers qui ne regardent qu’à l’étiquette du sac...... et par quoi rouvrirez-vous, s’il vous plait ?

– Au moins, vous allez être content, cher maître, nous rouvrirons par...

– Par...

– Par Monsieur Landry, Simone, et une pièce nouvelle de M. Mestepès ou Lapointe.

– Mes enfants je pars pour Vienne.

Et Jacques Offenbach, arrivé lundi soir d’Etretat, partait mardi soir pour Vienne, où il a un magnifique traité annuel, et où, espérons-le, on ne lui aura pas agrandi son fauteuil.

A. Dupeuty.

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