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Théâtre des Bouffes-Parisiens

Revue et gazette musicale de Paris – 28 mars 1869

La Diva, opéra-bouffe en trois actes, paroles de MM. H. Meithac et Lud. Halévy, musique de Jacques Offenbach (première représentation le 22 mars).

On a fait courir le bruit que la Diva renfermait une allusion directe à certaines particularités de la vie de la charmante et sympathique artiste qui représente ce personnage. Il y avait là de quoi piquer la curiosité ; aussi, en admettant que ce bruit ait été répandu adroitement dans un but de réclame, il faut avouer qu’il n’a pas manqué son effet. Jamais foule plus brillante et plus empressée n’a répondu à l’appel magique du nom de Mlle Schneider, qu’on s’attendait à voir se jouer elle-même. Mais, en réalité, ce moyen d’attraction n’a pas produit l’effet attendu. Vraies ou fausses, les aventures de la Diva ressemblent à celles de toutes les actrices passées, présentes et futures. Il est bien possible que certains détails, connus d’un petit nombre d’initiés, aient pu les faire sourire à la première représentation ; mais la masse du public est restée froide, parce qu’elle n’y a rien compris, et parce que, on ne saurait trop le répéter, les mœurs bizarres et souvent choquantes du monde des théâtres n’ont d’intérêt que pour les personnes qui sont, comme on dit, du bâtiment. Hors de là, qui s’en soucie, et qui ne préfère une fiction amusante au réalisme des coulisses ?

Les auteurs de la Diva, deux hommes d’esprit et de talent, ne sont pas les premiers qui soient venus se fourvoyer sur ce terrain scabreux, et ils ne seront vraisemblablement pas les derniers. De combien d’écoles l’attrait répandu dans le Père de la débutante, dans l’Ambassadrice, dans le Roman comique surtout, a-t-il été la source, et que d’imprudents s’y laisseront prendre encore !

Voici en deux mots le sujet de la pièce : Jeanne Bernard, modiste de son état, est sur le point de se marier ; elle a arboré la fleur d’oranger et n’attend plus que son futur pour aller à la mairie. Mais au dernier moment, celui-ci s’est ravisé, et Jeanne est condamnée à rester demoiselle. Plutôt mourir ! Après une tentative de suicide, avortée par les soins des deux principaux témoins, Jeanne, cédant à leurs conseils, se décide à vivre et à se jeter dans la carrière du théâtre, où elle entraîne toutes ses camarades et même ses tentateurs, qui ne demandent pas mieux que de se laisser persuader.

Au deuxième acte, elle est devenue une cantatrice célèbre ; tout le monde est à ses pieds ; le duc de Gérolstein lui envoie des ambassadeurs, et, pour mettre le comble à son triomphe, elle se prépare à jouer le magnifique rôle d’Ariane, dans un opéra bouffe du genre de la Belle Hélène.

Le troisième acte est consacré à la représentation de cet opéra et au souper qui lui succède Puis c’est tout ; on boit, on chante et la toile tombe.

La musique d’Offenbach, toujours joyeusement inspirée, vient heureusement faire diversion à la monotonie de cette donnée insuffisante qui, le soir de la première représentation, a failli compromettre grandement le succès. Plusieurs morceaux de sa partition ont été fort applaudis. Nous citerons, au premier acte, les couplets de Jeanne sur la fleur d’oranger, l’air d’entrée des deux témoins, Raphaël et Galuchet, qui a été bissé ; au deuxième acte, la tyrolienne chantée par les deux aides de camp du duc de Gérolstein, bissée également ; une valse ravissante, brillamment enlevée par la diva ; et, au troisième, l’ensemble des Jolis clairons et des jolis tambours, chanté par les plus gracieuses femmes de la troupe, au nombre desquelles il faut compter Mlle Bonelli, qui a obtenu un succès tout à fait inattendu en se voyant redemander jusqu’à trois fois une phrase vocalisée, qu’elle dit, du reste, à merveille.

Mlle Schneider joue et chante le rôle de la Diva avec ce charme et cette finesse qui donnent tant de saveur à ses qualités de cantatrice et de comédienne. On a beaucoup remarqué ses toilettes, surtout celle du second acte qui est un modèle de richesse et de goût.

Mme Thierret n’est pas bien partagée cette fois ; son rôle n’est qu’une suite de confidences décousues et qui ne feraient qu’entraver l’action s’il y en avait une ; elle n’a guère eu qu’un effet de costume, une Minerve cuirassée et casquée d’or.

Les deux témoins de la noce sont comiquement interprétés par Désiré et Hamburger, ainsi que les deux envoyés de Gérolstein par Bonnet et Jean-Paul.

La Diva est d’ailleurs montée avec soin. La décoration du troisième acte est très-réussie et les costumes tort bien dessinés. L’orchestre de Jacoby fonctionne irréprochablement.

Nous ne finirons pas sans constater l’ovation toute spontanée qui a été faite, au troisième acte, au triomphant auteur de Patrie qu’on avait reconnu dans la salle. Les acclamations de la foule l’ont accompagné, à la sortie, jusqu’à sa voilure.

D.

P. S. — Nous apprenons qu’à la deuxième représentation la Diva a été accueillie beaucoup mieux qu’à la première. De larges et intelligentes coupures ont allégé le poëme ; les acteurs, plus sûrs d’eux, ont pu faire valoir encore mieux que la première fois les fort jolies mélodies d’Offenbach.

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