Première représentation de Froufrou, pièce en cinq actes, de MM. Henry Meilhac et Ludovic Halévy.
Quand le rideau fut tombé, et que M. Pujol eut, au milieu des applaudissements unanimes, proclamé le nom des auteurs, mon voisin de stalle, un homme d’âge dont la pantomime, réglée sur les péripéties du drame, m’avait vivement intéressé, me dit sur un ton de profonde surprise :
– Ai-je bien entendu ? Ces messieurs Meilhac et Halévy seraient-ils les mêmes dont j’applaudissais, hier soir, la Vie parisienne au Palais-Royal !
– Oui, monsieur, et dont vous avez applaudi la Belle-Hélène, Barbe-Bleue...
– Et le Brésilien et la Grande-Duchesse...
– Parfaitement.
– C’est là, vous en conviendrez, une bien étrange anomalie !
– Moins étrange que vous ne pensez. D’abord, ces messieurs, avant d’escalader l’Olympe de la haute bouffonnerie, s’étaient aventurés, ensemble ou séparément, dans les imbroglios de la vie réelle. Il en résulta toute une série d’œuvres délicates, où l’esprit le plus fin s’alliait à l’observation la plus subtile. C’est à cette famille qu’appartiennent l’Autographe, les Petits fils de Mascarille, les Curieuses, Suzanne entre les deux vieillards, le Bouquet, Fanny Lear et Froufrou.
(...)
La moralité de cet acte, qu’on dirait détaché d’une livraison de la Vie parisienne, est tirée par un personnage épisodique, la baronne de Cambri. Si elle avait eu voix délibérative, ce n’est pas ainsi que les choses se seraient arrangées. Voici quel eût été son plan :
– Premier mariage entre mademoiselle Louise Brigard et M. Henri de Sartorys, admirable assemblage de raison et de sagesse... musique d’Haydn. – Deuxième mariage entre mademoiselle Gilberte Brigard et M. de Valréas, admirable assemblage de tout le contraire... musique d’Offenbach !
Mais quand l’abnégation de Louise vient renverser tout ce bel arrangement :
– Musique de qui, ce mariage-là ? lui demande à l’oreille M. de Valréas.
– Musique de l’avenir ! répond la baronne. Il faudra voir ça
(...)
Emile Blavet.
