Par date

Théâtres

Le Figaro – Jeudi 23 octobre 1856

Gaité : – première représentation de l’Avocat des pauvres. La pièce – M. Surville. – M. Paul Meurice et M. Guilbert de Pixérécourt. – Victor Hugo. – Les romantiques d’autrefois sont les classiques d’aujourd’hui. – M. Mélingue. – Opéra : – La Medori. – Nouveautés en répétition : – le Trouvère, – le Cheval de bronze, – la Jolie Fille de Gand. – Théâtre-Italien : – Verdi et M. Calzado. – Béatrice di Tenda. – Ronconi et la Frezzolini. – Comédie-Française : – Le mariage de Figaro. – Madame Plessy. – Mademoiselle Fix. – Bouffes-Parisiens : – Première représentation d’Une Bonne d’enfants. – M. Bercioux. – M. Offenbach. – M. Michel. –M. Dubouchet. – Mademoiselle Garnier. – Mademoiselle Mareschal et mademoiselle Schneider dans les Pantins de Violette.

(…) Ce même soir, où la critique a dit se dédoubler pour assister à Beatrice di Tenda et au Mariage de Figaro, les Bouffes-Parisiens, se mettant de la partie, représentaient Une Bonne d’enfants, opérette de MM. Bercioux et Offenbach.

Les petits opéras qui ont trop d’esprit vivent peu celui du Financier et du Savelier, grand garçon aujourd’hui, n’a échappé au sort commun que par un de ces hasards heureux qui devait donner de l’expérience à M. Bercioux.

L’auteur d’Une Bonne d’enfants a même paru à quelques-uns si expérimenté, que, en admettant l’infaillibilité du proverbe, sa pièce mourra centenaire. On pourrait faire un souhait plus agréable aux habitués du théâtre Choiseul.

La Bonne d’Enfants est une de ces charges au gros se qui n’ont pas à alléguer en leur faveur l’excuse du rire. Cela est bourré jusqu’à la gueule de situations extravagantes, sur l’effet desquelles on a infailliblement compté mais la détente ne part pas. C’est un grand gaillard qui entre dans une armoire et en sort sous des vêtements de femme ; c’est un fumiste qui descend d’une cheminée et se blottit, le visage barbouillé de suie, dans le berceau et sous les langes de
l’enfant ; c’est un va-et-vient d’amoureux, de la porte à la fenêtre, de l’armoire à la cheminée. Au Palais-Royal, et jouée par Grassot et ses compères, peut-être que la chose eût été réjouissante ; au passage Choiseul, et confiée aux farceurs subalternes de l’endroit, elle fait beaucoup de fracas inutile. Je ne pèche pas d’ordinaire par excès de pruderie, et loin de vouloir parquer un théâtre dans tel genre ou dans tel autre, je lui accorde, au contraire, la plus grande latitude, à une
condition pourtant, c’est qu’il m’amusera. Mais enfin, n’y a-t-il dans l’extravagance ni limite, ni mesure, et parce que votre public accepte les lazzis de la salle Montansier, faudra-t-il qu’il subisse les sottes pantalonnades de Bobino ?

C’est un scrupule que je soumets à M. Offenbach qui a consenti à coudre à cette guenille deux ou trois motifs charmants qui eussent été mieux placés ailleurs.

Décidément, M. Michel est un bouffon sépulcral. Quant à M. Dubouchet, qui débutait à ce théâtre par le rôle du sapeur Mitouflard, il a un jeu vulgaire et une grosse voix de chantre qui détone mais, comme il a dans la pièce un duo à chanter avec mademoiselle Garnier, cela cessait d’être un inconvénient.

Mademoiselle Garnier à des cheveux blonds (de ce blond immortalisé par la brosse du Titien), un front pur, de belles dents et des bras de statue. Sa diction est molle, – j’ai failli dire niaise, – et son jeu insignifiant. Elle chante comme elle chantait au Théâtre-Lyrique.

Ce même soir, j’ai revu les Pantins (pauvre et regrettable Adam !). Mademoiselle Mareschal y a remplacé mademoiselle Schneider. Mademoiselle Mareschal a de la voix et des yeux superbes ; mais quelle froideur, quelle gaucherie, grand Dieu C’est bien là, en effet, le pantin de Violette – avant que l’amour l’ait animé. Il y manque le cœur, la grâce et la finesse : mademoiselle Schneider a emporté tout cela
avec elle en quittant une scène où on ne l’a pas remplacée.

B. Jouvin.

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager