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Orphée aux enfers, cette charge insensée, ce tour de force de la caricature, cette mirifique et abracadabrante Odyssée que l’on avait pensé voir rester sans rivale, Orphée aux enfers a une sœur : la Belle Hélène que joue actuellement le théâtre des Variétés, et, chose incroyable ! cette seconde édition, ou pour mieux dire ce pendant à une bouffonnerie qui a fait courir tout Paris pendant cinq ans est dû à la réunion des mêmes auteurs , à cette différence près que, pour la Belle Hélène, c’est M. Henri Meilhac qui est le collaborateur de M. Ludovic Halévy à la place de M. Hector Crémieux. Quant à la musique, de qui serait-elle, si elle n’était pas d’Offenbach ?
Nos lecteurs n’attendent pas de nous que nous leur analysions ou même que nous leur racontions cette inénarrable excentricité ; nous le voudrions que nous ne le pourrions pas et nous le pourrions que nous ne le ferions pas, car ce serait à coup sûr leur gâter le sujet, Analyse-t-on le rire ? Non. Contentons-nous donc de constater l’éclatant succès, que vient de remporter le théâtre des Variétés avec la Belle Hélène que tout Paris verra et reverra, et passons à l’interprétation qui est digne de l’œuvre.
Hélène, c’est Mlle Schneider ; c’est tout dire, et nous pourrions nous dispenser de toute autre commentaire si nous ne tenions à constater que, comme chanteuse et comme comédienne, elle a été d’une crânerie qui lui a valu les honneurs de la représentation. Sa voix est toujours aussi fraîche et aussi pure et, bien qu’elle ait cru devoir sauter par-dessus Mme Ugalde, les couplets de Galathée et la complainte de Gil-Blas, pour atteindre jusqu’à Mlle Thérésa avec sa gardeuse d’Ours et son Sapeur, elle n’en a pas moins fort bien chanté ses couplets :
C’est l’homme
A la pomme,
et son duo avec Dupuis, qui lui sont redemandés chaque soir.
Dupuis, c’est Pâris ; vous le voyez d’ici avec ses grandes jambes, ses grands bras, ses grandes mains, ses niaiseries si cocasses et ses superbes ahurissements ; il chante avec beaucoup d’art les délicieux couplets où il raconte son jugement sur le mont Ida, son duo avec Hélène et son air de la fin ; et il joue d’une façon ravissante ainsi que Mlle Schneider la scène scabreuse du Rêve.
Grenier, qui a fait de Calchas une de ses meilleures créations et qui est si amusant en grec du Jeu d’oie, chante avec Couder-Agamemnon et Kopp-Ménélas un trio comique étourdissant de verve et d’entrain, où l’entrain même, il faut bien l’avouer, dissimule heureusement le peu de ressources musicales des trois voix réunies. Guyon est très-amusant en Achille qui s’est fait blinder le talon, et Mlle Silly joue Oreste avec des jambes que « je reverrai bien souvent dans mes rêves, » bien que je ne les aie pas assassinées.
En résumé, le livret très-amusant et plein d’esprit a merveilleusement inspiré Offenbach , et sa partition renferme des beautés musicales qui font de lui un des maîtres de l’opéra-bouffe. N’oublions pas les chœurs qui sont très-beaux, surtout celui qui accompagne l’entrée des dieux au premier acte. La mise en scène est très soignée.
La Belle Hélène aura le succès d’Orphée et ce sera justice, car le poëme est aussi amusant et la musique lui est peut-être encore supérieure.
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Victor Bergeret.
