Depuis quelque temps, je recevais de Paris et de province, de nombreuses lettres se résumant toutes ainsi :
« Pourquoi ne nous parlez-vous jamais du théâtre Déjazet ? »
(…) Devant cette unanimité, je m’incline. Je n’ai pas parlé du théâtre Déjazet, parce que le théâtre Déjazet ne méritait guère qu’on en parlât ; mais puisque les masses protestent, puisqu’elles tiennent à savoir ce qui se passe dans le bouis-bouis du boulevard du Temple, parlons-en.
La première de ce soir est précisément une première à sensation. Il n’était question que de cela, depuis huit jours, dans tout le faubourg du Temple.
Geneviève de Brébant inspirait à la direction une confiance illimitée, et si elle n’a pas dépensé pour ce vaudeville une centaine de mille francs, c’est tout simplement pour ne pas faire à Offenbach une concurrence par trop déloyale.
Toute la jeunesse du quartier est là ce soir : un tas de gommeux de derrière les comptoirs, la rose à la boutonnière et le cure-dent à la bouche, ravis d’assister à une première moyennant la somme modique de trois francs. Au milieu de ce public spécial, je remarque le prince Troubetskoï, Offenbach – qui est parti après le premier acte – Cogniard, Siraudin, Koning ; Mmes Raymonde, Demay, Valérie, Zulma Bouffar, Grandville et Fanfan Benoiton.
(…) L’intelligent directeur du théâtre Déjazet avait eu d’abord l’intention de faire son affiche absolument semblable à celle de la Gaîté, de façon à attirer, grâce à ce trompe-l’œil, une partie de la clientèle d’Offenbach.
Mais les auteurs s’y opposèrent et exigèrent que la lettre E du nom de Brébant fut beaucoup plus en relief que les autres.
– Puisque vous le voulez, s’écria M. de Jallais, mettons un E rouge !
M. Grangé, voyant là une allusion blessante pour sa personne, déclara que si on lui faisait cette mauvaise plaisanterie, il renoncerait à signer la pièce.
Devant une pareille menace, on dut céder, et l’E de Brébant restât noir. (…)
UN MONSIEUR DE L’ORCHESTRE.