Nous avons reçu de Bordeaux, sur les troubles de cette ville, une lettre d’un artiste que vous reconnaîtrez peut-être à son langage !
Tout n’est pas rose dans la vie d’artistes nomades : nous avons la chance de tomber en pleine élection girondine. Lundi dernier, nous n’avons pas pu jouer, le théâtre étant cerné par la troupe, pas la nôtre ! mais celle du grand metteur en scène.
Mardi, la chanson de Fortunio se mariant avec la Marseillaise manquait peut-être un peut [1] de charmes.
Les révoltés – je dis révoltés par politesse – s’étaient enfermés dans le marché attenant au théâtre, et nous les entendions comme s’ils eussent été dans la Salle.
Ce pauvre café du Delta a été envahi et on l’a fait fermer... quelle veine pour le propriétaire !
Nous sommes les seuls jouant en ce moment dans cette bonne ville de Bordeaux, les autres théâtres sont fermés. Il y a bien un M. X... qui veut tenter la fortune pendant deux mois avec L... P... et L... de la Française-Comédie. Mais je ne mettrais pas un maillot usé dans son affaire.
A part cela, la vie est belle, les femmes sont charmantes, R... attire tous les cœurs que la politique n’a pas pris ; cette mignonne a de l’avenir.
Est-il vrai qu’Hamburger va avoir le prix Montyon ?
A vous.
Gustave Lafargue.