EN ALLANT A SON MINISTÈRE...
On n’ignore pas quelle difficulté éprouve en ce moment M. de Freycinet à composer un ministère à peu près convenable. Le matin, il se lève de bonne heure et, après une toilette sommaire, le voilà en route. Il grimpe les escaliers, frappe à toutes les portes, attend dans toutes les antichambres. Il saisit les hommes politiques au saut du lit, les flatte, les sollicite, les enguirlande. Il emploie toute sa rhétorique à les convaincre, et toute sa philosophie à se consoler de leurs refus, car, il faut bien le dire, M. de Freycinet n’a pas de chance.
Après avoir essayé vainement les hommes politiques, il s’est retourné de tous les côtés. Il a cherché dans tous les corps d’état, sans être, hélas plus heureux. On dirait une fatalité. A cette époque d’étrennes où chacun est heureux de recevoir le moindre cadeau, il n’y a guère que les ministères qu’on continue à refuser avec acharnement.
C’est pourquoi M. de Freycinet s’est décidé à avoir une grande idée ; c’est pourquoi on a pu le rencontrer hier faisant son entrée dans les salons de nos comédiens et de nos comédiennes les plus en vogue.
Sa première visite a été pour M. Luco.
— Mon Dieu, monsieur, lui a-t-il dit, je vous ai vu, l’autre soir, dans la Fille du tambour-major, aux Folies-Dramatiques. La manière dont vous maniez la canne et dont vous formez le bataillon carré m’a poussé à croire que vous feriez un excellent ministre de la guerre. Le seul point délicat est celui-ci : Sauriez-vous révoquer un officier de l’armée territoriale ?
— Parfaitement, mille sabretaches !
— Alors, c’est dit.
(...)
Frimousse.