LA 100e DE MADAME FAVART
Offenbach avait, par lettre imprimée, promis une fête qui ne serait pas celle de tout le monde. Cantin, Chivot, Duru et lui ont tenu sa parole.
Un souper, suivi de danses, ayant été reconnu une chose fatigante ; un déjeuner, une chose gênante, ils avaient résolu de donner un dîner.
Il est vrai qu’un dîner supprimait la représentation du soir. On a bravement renoncé à ladite représentation et on l’a remplacée par une matinée au bénéfice des inondés de Szegedin.
La charité et le plaisir réunis.
C’est une grande fête pour les artistes, qui n’ont pas souvent l’occasion de dîner. Avant de paraître en scène, il faut avoir eu le temps de digérer.
Par conséquent, il est indispensable de se mettre à table de bonne heure par conséquent de souper, ce qui engraisse.
Dîner à l’heure de tout le monde est un rêve qui ne se réalise pas souvent.
C’est vous dire que tout le monde était exact hier.
La représentation avait été fort brillante ; les artistes étaient animés par l’espoir d’une agréable soirée.
L’intermède, avec le concours de Mmes Léonide Leblanc, Alice Lody, Monthy, etc., avait doublé la recette.
Joignez à cela que au moment où l’on sortait pour l’entr’acte, une manœuvre habile avait fait rencontrer des quêteuses très désireuses de gagner beaucoup d’argent pour les pauvres inondés.
A Paris, on s’exécute volontiers en pareil cas. La quête a été fructueuse.
Le dîner était excellent.
Il réunissait, outre les auteurs, l’administration du théâtre, la presse, les interprètes, un assez grand nombre d’amis.
D’abord les artistes qui avaient pris part à l’intermède, puis Mmes Alice Régnault, Caroline Letessier, Elluini, Jeanne Becker, le joyeux trompette du troisième acte, etc.
La première faim apaisée, la reconnaissance est venue.
Au moment où les convives allaient exprimer leurs remerciements, Offenbach s’est levé pour prononcer quelques paroles avec la bonne humeur dont il a le secret.
Après s’être plaint qu’on le chargeât de parler, lui dont la fonction était de chanter, il a trouvé le moyen de dira un mot aimable à tout le monde ; il a terminé en portant une santé chère a tout le monde, a-t-il dit lui-même... la sienne !
Il a eu, comme on le comprend, autant de succès que le jour de sa première représentation.
Après le dîner, on a pris quelques minutes pour le café, et l’on s’est mis à danser avec furie.
Les musiciens n’étaient pas rares : les compositeurs les plus graves se sont mis à à l’orchestre, ce qui a donné une exécution d’une perfection rare.
Un seul mot résume les impressions de la soirée :on s’est énormément amusé !
Parisine II.