Je vous ai présenté, l’autre soir, M. Blandin, le directeur en second des Folies-Dramatiques. Nous possédons, depuis environ un mois, à la tête d’une scène importante, un directeur qui n’est guère plus connu, bien qu’il ait joué la comédie avec un certain succès et dirigé le Théâtre Cluny, ce qui n’est pas une petite affaire.
Je veux parler de M. Paul Clèves, le successeur de MM. Ritt et Larochelle à la Porte-Saint-Martin.
(...)
Un matin, deux directeurs concurrents se rencontrèrent chez Sardou, flairant tous deux un drame nouveau.
— Donnez-moi votre nouvelle pièce, dit l’un, je vous offre trois mille francs de prime. — Moi cinq mille, s’écria l’autre.
— Six mille !
— Sept mille !
— Huit mille !
— Neuf mille !
— Dix mille !
Le premier directeur mit sa montre et sa chaîne sur la table, le second y déposa ses boutons de manchettes et son épingle de cravate.
Haletants, furieux, couverts de sueur, ils allaient continuer quand Sardou, d’un mot, les arrêta.
— J’ai livré mon drame à l’un de vos confrères... Il est trop tard !
— Ah ! Et en êtes-vous content !
— Ravi.
— Il s’appelle ?
— La Haine !
Les deux directeurs s’éloignèrent, le désespoir dans le cœur.
Je livre cet exemple aux méditations de M. Paul Clèves.
Un Monsieur de l’orchestre.