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La Soirée Théâtrale

Le Figaro – Vendredi 14 novembre 1879

LES NOCES D’OLIVETTE

On a souvent reproché à l’ancienne direction des Bouffes de ne renouveler ni sa troupe, ni ses auteurs, ni ses musiciens. Pendant plusieurs années, nous y avons vu les livrets des mêmes auteurs, mis en musique par le même compositeur, et interprétés par les mêmes artistes.

Personne ne songera à adresser la même critique au directeur actuel.

M. Cantin aime le nouveau. Il nous a déjà présenté dans Panurge quelques chanteurs que nul de nous n’avait encore entendus. Cette fois, il va plus. loin. Non-seulement, il montre ce soir au public de nouveaux artistes ignorés, mais, en outre, il nous fait entendre la partition d’un jeune musicien, presque un inconnu pour les Parisiens, qui ne sont vraiment pas forcés de savoir que M. Audran a fait jouer, à Marseille, en collaboration avec MM. Chivot et Duru, une opérette intitulée le Grand Mogol.

Le directeur des Foliés réalise, au point de vue musical, ce que M. Ballande, au Troisième Théâtre-Français, essaie avec tant de bonheur au point de vue littéraire.

C’est encore avec les auteurs de Madame Favart que M. Audran se produit à Paris. Cette fois, la partie est beaucoup plus sérieuse pour lui.

(...)

Le débutant Gerpré n’est pas un jeune, par exemple.

Il a déjà joué aux Bouffes, et c’est avec un certain plaisir qu’il s’y retrouve aujourd’hui. On n’a pas oublié ce fameux concours d’opérettes qu’Offenbach eut l’excellente idée d’organiser quand il dirigea le petit théâtre du passage Choiseul.

Deux furent jugées également dignes d’être présentées au public : l’une était de Bizet, l’autre de Charles Lecocq. On résolut de les monter toutes deux et le Docteur Miracle fut joué, en effet, un soir, avec la musique de l’auteur de Carmen, le lendemain avec celle de l’auteur de la Jolie Persane.

M. Gerpré tenait le même rôle dans les deux ouvrages. C’est, à coup sûr, un des grands souvenirs de son existence, car tous les soirs il était pris de terreurs folles.

« Mon Dieu, se disait-il, si j’allais me tromper et chanter la musique de Lecocq au lieu de celle de Bizet, ou la musique de Bizet au lieu de celle de Lecocq ! »

Et avant d’entrer en scène, il se répétait cent fois :
— Ce soir, c’est du Lecocq, du Lecocq, du Lecocq !

Ou bien :
— Aujourd’hui c’est du Bizet, du Bizet, du Bizet !

M. Gerpré revient aux Bouffes dans des conditions plus simples.

Il pourra chanter de l’Audran tous les soirs. Un mot entendu dans un couloir.

C’est également un débutant qui est chargé du rôle de Valentin.

On le nomme Marcelin.

— D’où vient-il ? Qui est-ce ? demande quelqu’un.
— Marcelin répond un autre quelqu’un, je ne-sais pas... mais il paraît qu’il est très bien.. dans la Vie Parisienne !

On m’assure que, comme Mlle Clary-Lannes, M. Marcelin nous arrive du café-concert. Il a surtout chanté la tyrolienne aux Ambassadeurs.

Très jolie salle, très gaie des loges et des baignoires bien composées.

Offenbach reçoit beaucoup de visites pendant les entr’actes. C’est la première fois qu’on le revoit au théâtre depuis sa dernière attaque de goutte, et on est enchanté de le revoir bien portant.

Le maëstro se fait remarquer par ses applaudissements. S’adressent-ils à Cantin ou aux librettistes des Noces d’Olivette, ses collaborateurs des Folies ? Peut-être à tous les trois. Quand on a trissé, au dernier acte, les couplets de l’excellent Jolly, Offenbach avait l’air rayonnant, il se croyait revenu aux meilleurs jours des Bouffes.

Les couloirs du théâtre de M. Cantin sont bien étroits, et, quand sonne l’heure du vestiaire, la circulation y devient terriblement difficile. Avec cela, les ouvreuses, peu complaisantes, pas assez nombreuses, bousculées, perdent tête. On a beaucoup de mal à se débarrasser de son pardessus quand on arrive, mais il est à peu près impossible de le ravoir quand on s’en va.

Il faudrait augmenter le nombre des ouvreuses – pour les soirs de premières tout au moins.

Le résumé de la soirée, à la sortie :
— Eh bien, ces Noces d’Olivette, qu’en pensez-vous ?
— C’est Jolly !

Un Monsieur de l’orchestre.

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