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La Soirée Théâtrale

Le Figaro – Mercredi 1er mars 1876

La foule partout. On a failli refuser du monde... aux Folies-Marigny ! Les matinées ont pourtant absorbé un nombre considérable de spectateurs, mais il en reste encore.

Les théâtres, ce soir, sont surtout intéressants pour leurs directeurs. La chronique n’a rien à y faire. Le public est celui de tous les jours de fête ; il se trouve renforcé seulement par des députations nombreuses de tous les colléges de Paris.

Les petits collégiens s’en vont avec leurs parents voir les féeries, mais les grands. Ils sont à Madame l’Archiduc, aux Variétés, partout où il y a des femmes.

Il faut les voir et les entendre, pendant les entr’actes, grillant la cigarette sous le péristyle du théâtre et causant de la petite ou de la grande une telle, avec la désinvolture propre aux habitués des coulisses.

C’est ce soir que Judic reçoit des déclarations brûlantes, copiées dans les romans ; que Granier trouve, en sortant de la Renaissance, des jeunes gens de dix-sept ans formant la haie sur son passage, et que Mlle Angèle est attendue chez le portier des Variétés par un gamin à la moustache naissante qui lui demande sa main.

C’est ce soir aussi qu’on trouve dans plusieurs théâtres des enfants déguisés qu’on a promenés, pendant toute la journée, sur le boulevard, habillés en mousquetaire, en pierrot ou en marquis Louis XV. Ils sont bien contents, les chers petits, mais bien fatigués. C’est à peine s’il leur reste assez de force pour goûter les plaisirs du spectacle. Mais maman les contemple avec orgueil.

— Vous amusez-vous, mes enfants ? leur demande-t-elle de temps en temps, par acquit de conscience.
— Oui, mmân !

Et leurs yeux se ferment malgré eux.

Les enfants s’amusent peut-être et quand même, mais moins, à coup sûr, que leurs parents. Les affections les plus saintes ont leur fond d’égoïsme.

Dans plusieurs théâtres où la même pièce a été jouée deux fois par les mêmes artistes on a organisé des dîners dans les loges. Aussi les foyers et les coulisses ont été fort animés et on n’a pas eu le temps de s’apercevoir de la fatigue.

Cependant, comme j’entre un instant dans les coulisses des Variétés, la jolie Mlle Kelly, qui a joué dans le Sourd le jour et qui joue le Dada le soir, me dit avec une certaine fierté :

— Je n’en puis plus ! Ah ! monsieur, c’est un rude métier que le nôtre !

Un Monsieur de l’orchestre.

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