Il vient de m’arriver l’accident que bien des écrivains connaissent : On s’assied devant sa table de travail pour un article préparé – et on en fait un autre ! C’est que tout à coup une puissante idée passe à travers les phrases – et on l’a suivie partout où elle a voulu !
J’avais le dessein de parler seulement d’une grande œuvre humanitaire. Il s’agit de donner enfin du travail à 23,000 aveugles adultes, qui, en France, manquent des moyens de gagner leur vie.
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Je voulais parler encore de l’Institut national des aveugles. Il ne peut faire face au dixième des demandes, Il ne peut recevoir que 225 élèves, garçons et filles. Je me contente de saluer la statue de Valentin Haüy, qui est dans la cour d’entrée. Elle n’est pas faite de neige, comme la plupart des nouvelles statues de notre temps.
Un jour, Valentin Haüy, employé au ministère des affaires étrangères, alla au fameux Café des Aveugles comme nous tous y sommes allés, qui n’avons plus vingt ans.
Ces aveugles, qui, en ce temps, portaient tous des lunettes, faisaient beaucoup rire le public. Valentin Haüy fut irrité. De ce rire sortit sa grande œuvre – de même que de la pochade d’Offenbach, les Deux Aveugles, sortirait quelque sublime poème. Que dis-je ? Une sorte d’évangile rédempteur de ces parias, écrit dans l’écriture des aveugles, appelée l’écriture nocturne !
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Ignotus.