Mademoiselle Schneider à Londres
Nous avons reçu hier, trop tard pour l’insérer dans le numéro du jour, le petit article suivant :
Londres, mardi 14 juillet.
Hier a eu lieu, à Saint-Jaines’s Théâtre, la première représentation de La Belle Hélène, par mademoiselle Schneider.
Malheureusement la pièce n’a pas aussi bien réussi que la Grande Duchesse. Mademoiselle Schneider, encouragée peut-être un peu trop par son succès de la veille, s’est permis trop de cascades qui n’ont pas été goûtées. Elle a cependant été applaudie dans « l’Invocation à Vénus. »
Ravel s’est surpassé dans le rôle de Calchas qu’il a interprété d’une façon tout à fait originale et spirituelle. Un calembour qui avait été dit à la répétition générale et qui devait être intercalé par lui au 1er acte, a été supprimé à la représentation. Le voici : Quelle différence, y a-t-il entre le prince de Galles et un lingot d’or ?
— C’est que le lingot d’or a été donné par Victoria pour raire de bonnes guinées et que le prince de Galles a été donné par Victoria pour faire un bon souverain !
Du reste, le prince de Galles, qui en a beaucoup ri, a prié Ravel de le lui écrire.
Pâris a eu un peu de peine à chanter. La musique est écrite trop haut pour la voix de M. Duplan. – Les autres rôles d’Agamemnon, de Ménélas, d’Achille, sont joués par MM. Beckers, Fraisant, Lapissida. Celui d’Ajax est bien rendu par M. Schey.
Une jeune et jolie actrice, mademoiselle Hélène Monnier, qui avait déjà très bien joué Vanda dans la Grande-Duchesse, est un charmant Oreste. Elle chante à ravir ses couplets et joue avec une modestie jointe à une vivacité qui l’ont fait souvent applaudir.
La mise en scène et les costumes sont jolis ; l’orchestre est bon ; mais, en somme, c’est un demi-échec ! La faute en est beaucoup aux acteurs, un peu au public resté très froid devant les plaisanteries souvent très longues et souvent d’un goût douteux, semées dans le troisième acte et qui disparaîtront ce soir.
Quelle différence avec l’enthousiasme de la première représentation de la Grande-Duchesse, que M. Raphaël Félix fera bien de reprendre, et dont le succès était loin d’être épuisé.
J. M.
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Nous recevons ce matin du même corresdondant [1] la lettre suivante, qui complète nos premiers renseignements
Londres, mercredi 15 juillet.
Grâce à de nombreuses coupures, grâce aux longueurs supprimées et au jeu des acteurs complétement changé, la seconde représentation de la Belle Hélène a mieux marché que la première. Mademoiselle Schneider surtout, ayant compris qu’elle avait été trop loin, s’est donné plus de peine pour jouer son rôle et chanter d’une façon un peu plus convenable.
La salle était plus belle qu’avant-hier, le public moins froid. On y voyait le duc d’Edimbourg, le duc de Cambridge, le prince de Teck, le grand-duc de Mecklembourg, le comte de Paris, le duc de Penthièvre, la princesse de Soltikoff, le marquis de Waterford, lady Ludesborough.
La pièce, ainsi modifiée, réussira peut-être maintenant.
(...)
J. M.
Jules Prével.