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Théâtre des Bouffes-Parisiens

Revue et gazette musicale de Paris – 12 février 1860

LE CARNAVAL DES REVUES,
Précédé du Souper du Mardi gras, prologue,
En deux actes et neuf tableaux, par MM. Grangé et Gilles,
musique d’Offenbach,

(Première représentation le 10 février 1860.)

Le Carnaval des Revues arrive à propos pour se mêler à la folle gaieté des jours gras qui s’avancent, et prolonger encore les éclats de leur bon rire pendant le carême qui leur succédera trop tôt. Pourquoi donc le théâtre des Bouffes-Parisiens n’aurait-il pas aussi sa revue puisque tous ses confrères, grands et petits, se la permettent et ne s’en trouvent pas mal ? On dira que c’est un peu tard : pourquoi encore ? Mieux vaut tard que jamais, si la revue est amusante, car c’est là le grand point. Amusez, amusez et tout le reste est peu de chose. Or, il n’est pas douteux que le Carnaval des Revues n’ait souvent et fortement diverti la brillante assemblée qui remplissait avant hier la salle Choiseul. On taillera, on rognera dans cette étoffe trop longue et trop large de plaisanteries dont les moins bonnes nuisent aux meilleures ; il en restera toujours assez pour que l’hilarité circule et que les recettes se multiplient.

Le cadre choisi par les auteurs du Carnaval des Revues n’est ni plus ni moins ingénieux que celui de beaucoup d’autres œuvres du même genre. Le Mardi gras commence par vouloir souper avec plusieurs belles dames, en qui se personnifient les Revues à la mode, celles des Variétés, du Palais-Royal, des Délassements, des Folies, du théâtre Déjazet. Et puis le joyeux amphytrion se met à voyager de par le monde, en passant par le boulevard, le bois de Boulogne, la Chine et mille autres lieux. Dans la seconde période de son voyage, se produisent les imitations et parodies dramatiques, parmi lesquelles il y en a d’excellentes : celle de la Tireuse de cartes est de ce nombre ; celle du Marchand de coco ne lui cède guère ; mais pour nous autres, hommes d’art, ce qu’il y a d’admirable, d’incomparable, c’est la scène du musicien faisant exécuter ses chefs-d’œuvre symphoniques par l’orchestre, et chantant avec le plus grotesque accompagnement de voix ce qu’il appelle la Tyrolienne de l’avenir. Cette scène a été droit aux nues, alle stelle ! on la redemandait de tous les côtés et il a fallu en redire une partie. Par exemple, on fera bien d’abréger beaucoup la scène des compositeurs morts, qui se font jouer au préjudice des vivants, et de supprimer celle du diapason, dont l’intention échappe.

Le Carnaval des Revues n’a presque pas de musique nouvelle : c’est une revue, un panorama, un répertoire des meilleurs morceaux composés par Offenbach depuis qu’il a créé son théâtre. Est bien père qui nourrit, dit le proverbe, et quel autre qu’Offenbach aurait pu nourrir son enfant de cette innombrable quantité de mélodies pleines d’originalité, de fraîcheur, de verve spirituelle ?

La danse joue aussi un rôle important dans le Carnaval. Désiré, Mlle Tautin se distinguent dans le ballet final qui n’aura pas moins de succès que les décors, les costumes et surtout que la musique de l’avenir. Et qui ose affirmer que cette musique n’est pas faite pour nous et ne saurait nous plaire ? Allez au théâtre des Bouffes-Parisiens et voyez s’il y a moyen de réussir davantage.

Après avoir parlé de la pièce nouvelle, comment payer nos dettes et liquider notre arriéré envers plusieurs pièces plus anciennes dont nous avons laissé grossir la pyramide. Que MM. les auteurs et compositeurs qui ont collaboré au Nouveau Pourceaugnac, à Croquignole XXXVI, à M. de Bonne-Étoile, veuillent bien nous excuser. Quand le soleil a paru, s’occupe-t-on encore des étoiles, même des bonnes, et le Carnaval des Revues est à cette heure le plein soleil des Bouffes-Parisiens.

P. S.

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