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Théâtre des Bouffes-Parisiens

Le Ménestrel – Dimanche 15 novembre 1857

Les Deux Pêcheurs, opérette en un acte, paroles de MM. Dupeuty et Bourget, musique de M. Jacques Offenbach.

Deux pêcheurs se sont dirigés par un beau clair de lune vers les bords de la scène de M. Offenbach pour pêcher à la ligne le succès des Deux Aveugles. — Vous voyez que mon style entre carrément dans la peau de cette folie. Je me conforme à la couleur locale.

Mais tâchons de parler français.

M. Gros-Minet, qui, pendant le jour exerce la profession de garde de commerce, profile de la nuit pour pêcher à la ligne, et cultiver les charades, les rébus et les calembours. Au lever du soleil il reprend toute la gravité qui distingue l’homme de l’oie. — Or par un beau clair de lune, tout en amorçant des ablettes et des barbillons, il aperçoit, non loin de lui, un individu qui se livre au même exercice. Mais il s’en faut que celui-ci soit un pêcheur sérieux. C’est M. Polissart, qui soupire pour Mlle Octavie, la fille de M. GrosMinet. M. Polissart s’amuse à pêcher à la ligne en attendant le signal de sa belle.

Les deux pêcheurs se gênant mutuellement, chacun invente toutes sortes de ruses, de chansons crispantes, de quolibets assommants pour éloigner son importun copêcheur. Dans la langue pittoresque d’un certain monde, ce système d’intimidation se nomme une scie. L’un chante les Amours d’un Crapaud avec une Grenouille, puis feint d’être enragé ; l’autre prend les allures d’un fou, d’un chanteur en délire qui a perdu son do, et il entonne la ballade de Castil-Bêta.

Mais bientôt M. Gros-Minet apprend qu’il a devant lui M. Polissart. Or, en sa qualité de garde de commerce, il est porteur d’un jugement contre ce même Polissart. Alors, loin de chercher a l’éloigner, il s’efforce de l’amuser jusqu’au lever du soleil, pour l’emmener ensuite vers l’abbaye hospitalière de Clichy. Ici un nouveau débordement de lazzis, de rébus et de mots biscornus. Finalement, le débiteur déclare que son véritable nom n’est pas Polissart ; il l’avait pris pour défigurer un nom de famille que les convenances sociales empêchent de prononcer. M. Gros-Minet, de son côté, avait changé son nom pour des motifs analogues. Bref, les deux pêcheurs sont de la même famille ; on s’embrasse et la toile tombe.

M. Jacques Offenbach a doté cette folie de trois morceaux frétillants, dont deux surtout ont obtenu le succès le plus franc : la chanson du Crapaud et la ballade de Castil-Bêta. Le refrain de cette dernière se compose d’un petit pizzicato chanté qui a excité l’hilarité générale. Le petit duo : Tiens ! tiens ! c’est amusant, a été fort goûté, et le rideau tombe gaîment sur la reprise de Castil-Bêta.

Pradeau et Gerpré sont ébouriffants de verve et d’excentricité.

J. Lovy.

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