Par date

Courrier des Eaux

Le Figaro – Dimanche 6 août 1865

C’est d’Ems, ma dernière station, que je vous adresse le troisième feuillet de ce courrier auquel Aristote pourrait justement reprocher de ne point observer l’unité de lieu.

Que vous dire d’Ems qui.n’ait déjà été dit ? Pour cette succursale terrestre du paradis – de Mahomet,. on a épuisé les formes de la louange. C’est bien l’une des plus délicieuses résidences qu’on puisse élire et où l’on donne au diable, du meilleur de son cœur, les affaires et les devoirs qui nous rappellent dans la galère parisienne.

J’ai assisté, heureux homme que je suis quelquefois, à la première représentation du nouvel opéra-comique d’Offenbach, Coscoletto. Succès énorme et des plus mérités. La fable imaginée par MM. Nuitter et Tréfeu est fort divertissante et la musique est adorable. C’est vif, c’est gai, c’est entraînant, c’est éminemment français. Il y a des motifs d’un charme dont je ne saurais vous donner une idée et des effets d’orchestre absolument nouveaux et d’une incomparable ingéniosité. On ne fredonne plus autre chose de l’autre côté du Rhin que les mélodies de Coscoletto. Cette pièce aura aux Bouffes un éclatant succès, je vous le prédis, car elle est parfaitement dans le genre de celles dont les Parisiens, avec raison, font leurs délices. Vous verrez l’accueil que fera le public au sextuor des empoisonnés et à la chanson du chien perdu, accompagnée d’aboiements.

Offenbach conduisait lui-même son orchestre : il a été l’objet de la plus flatteuse ovation. Rappelé avec enthousiasme, il a paru en personne sur le théâtre au milieu des artistes qui avaient vaillamment contribué à remporter cette victoire.

Mme Albrecht a joué avec une grâce irrésistible et je regrette d’avoir oublié le nom d’un jeune acteur que j’avais déjà remarqué aux Folies-Marigny et qui, j’en suis persuadé, arrivera bientôt à la réputation. En somme, belle soirée pour notre cher maëstro, dont le franc comique et la très réelle originalité n’ont lien perdu de leur puissance. Offenbach for ever !

(...)

Philippe d’O.

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager