Il n’y a pas bien longtemps, quand une pièce atteignait sa centième représentation, c’était un événement dont les journaux de Paris s’occupaient pendant huit jours au moins. On illuminait le théâtre où ce fait considérable venait de s’accomplir, on le pavoisait de haut en bas, les auteurs envoyaient des cadeaux à leurs interprètes et les directeurs leur distribuaient des gratifications ; les critiques retournaient voir l’œuvre centenaire et en reparlaient dans leurs feuilletons ; bref, aux yeux de tous le niveau de l’art dramatique s’élevait ce jour-là.
Aujourd’hui le chiffre de cent représentations est encore un chiffre honorable – mais rien de plus. Avant quelques années ce chiffre sera celui des pièces qui n’auront réussi qu’à moitié.
Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur les affiches.
Ce soir, par exemple, elles sont, à ce point de vue, tout à fait curieuses.
A côté de l’Opéra qui annonce pour demain la 579e représentation des Huguenots et pour après-demain la 180e de Faust, je vois :
L’Opéra-Comique où l’on joue Haydée pour la 413e fois, sans compter des spectacles des jours suivants : 378e de Mignon et 1,142e du Pré aux Clercs ;
Au Palais-Royal, 340e de la Cagnotte ;
A la Porte-Saint-Martin, 340e du Tour du monde ;
Aux Bouffes, 215e de la Jolie parfumeuse ;
A la Gaîté, 530e de la Chatte blanche ;
Enfin, ce soir, à la Renaissance, a lieu la 200e représentation de Giroflé-Girofla.
(…)
Un monsieur de l’orchestre.