Trouville, le 19 août.
Memento qui palvis es et in pulverom reverteris.
Cette sentence de l’Eglise m’est revenue en mémoire hier sur une place publique de Deauville ; où on dévoilait solennellement là statue en bronze de M. le duc de Morny, que vous avez pu voir à Paris, à l’extrémité du pont dés Arts.
On, s’attendait à quelque cérémonie éclatante. En réalité, le spectacle a été d’une indigence affligeante. L’Etat était représenté par un général et le préfet du Calvados. C’était trop ou trop peu. Si on voulait laisser à la cérémonie un caractère purement municipal, en l’honneur du créateur de Deauville, il fallait s’abstenir de toute représentation officielle ; autrement il fallait y mettre un peu moins de parcimonie. Au lendemain de sa mort, le duc avait eu encore des funérailles somptueuses ; aujourd’hui il est bien mort tout entier. – L’étranger qui aurait traversé Deauville aurait pu croire que cette petite ville normande érigeait une statue à quelque cultivateur, signalé par des. perfectionnements dans la manipulation du cidre ; il ne se serait jamais douté que ce bronze représentait un nomme qui a sa place dans l’histoire de nos révolutions, et et qui a passionné, à tant de titres divers, l’attention de ses contemporains.
A défaut de députations officielles, on pouvait compter sur la présence de ce monde spécial dont M. de Morny était le modèle et l’inspiration. Seul, M. Daru, entouré des enfants du duc, représentait les clubs, la gentilhommerie, et cette société qui, groupée autour de l’Alcibiade moderne, reconnaissait en lui son prince. Je n’ai vu là aucun de ceux qu’il a faits ministres et ambassadeurs. C’est dans une sphère plus humble que l’on a eu la mémoire du cœur. Quelques amis de sa petite familiarité étaient venus lui rendre un dernier témoignage ; par exemple, Hector Crémieux, Ludovic Halévy et Offenbach, gui ont été les collaborateurs de M. de Saint-Remy. Je ne dois pas omettra MM. Donon, Boitelle et Biesta, qui avaient connu M. de Morny sur un tout autre terrain.
(...)
Auguste Villemot.