Par date

Théâtres

Le Figaro – Mercredi 21 août 1867

Paris, lundi 19 août.

Monsieur le rédacteur,

Hier, la grande-duchesse de Gérolstein, cette gracieuse souveraine dont aucun acte ne doit rester caché pour la postérité, passait incognito son dimanche à St-Germain. Elle a fait une apparition au bal Tivoli (car c’est la fête dudit lieu, qu’on se le dise !) et a dansé un quadrille, très-posément ; je vous assure. Ses cavaliers étaient plus fringants, et la gendarmerie a dû intervenir pour faire cesser de scandaleux ébats, au dire de ces nobles fonctionnaires.

Quand on a vu s’avancer ces uniformes, on a cru qu’ils venaient rendre hommage à celle qui « aime les militaires », mais il n’en a rien été, et un murmure improbateur de tons les Parisiens présents a couvert les observations ; des cris de : Vive la grande duchesse avaient déjà commencé, mais elle, avec son mirliton de commandement, a fait un signe qui imposait le silence... et l’on s’est tu.

Cependant, la grande-duchesse jouait un peu l’ingénue, et faisait semblant de ne pas savoir danser. Elle a refusé de faire le cavalier seul, et, ce qu’il y avait de plus curieux, c’est qu’elle avait pour vis-à-vis une pauvre petite fille du pays, toute ébaubie de danser en telle compagnie, et qui a dû donner à la duchesse une leçon de pirouette et de : En avant seul – quel contraste frappant !

Lorsqu’elle est partie, l’orchestre jouait le quadrille de la Grande-Duchesse.

Les gardiens et les gendarmes n’auront pas dormi de la nuit.

Agréez, monsieur, etc...

Lucien Prévôt.

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager