Un musicien bien connu, M. Offenbach, descendu de la veille chez son ami Halévy, se sent de grand matin aux prises avec une de ces nécessites impérieuses dont l’humaine nature est l’esclave il saute à bas du lit, passe précipitamment sa robe de chambre et court d’urgence a certain réduit, objet de sa légitime convoitise. Mais à peine a-t-il fait jouer le loquet, qu’il entend une voix perçante s’écrier : Il y a quelqu’un !
Offenbach, un peu désappointé, regagne discrètement son logis en se contenant de son mieux. Un temps raisonnable écoulé, il revient la chargé même manège, même réponse, même retraite. Cependant, les minutes lui paraissent des siècles. La situation, de plus en plus. tendue, exige une prompte solution la victime s’achemine palpitante vers la terre promise et pose en frémissant la main sur le bouton
– Il y a quelqu’un crie la voix.
C’en est trop, l’infortuné pâlit, ferme les yeux et n’a que la force de s’appuyer, défaillant, contre la muraille. Halévy qui survient, le trouve en cet état.
– Qu’avez-vous ? lui demande-t-il.
– J’attends la fin de mon supplice. Tantale n’était pas plus à plaindre que moi.
– Pourquoi n’entrez-vous pas ?
– Pourquoi ?. voilà une heure que j’essaye. et l’on me
répond : Il y a quelqu’un !
Halévy part d’un éclat de rire
– Qu’à cela ne tienne, entrez toujours. c’est là que couche mon perroquet ; voilà le mot de l’énigme.
– Diable de bête ! dit Offenbach en s’élançant à corps perdu ; encore cinq secondes, et la patience m’échappait…
H. de Villemessant.