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Lettres d’un campagnard en voyage

Le Figaro – Jeudi 11 août 1864

(...)

Nous nous mîmes tous et toutes à rire du quiproquo d’où résultait une locution qui restera certainement comme un très utile auxiliaire de la décence. C’est le triomphe de l’euphémisme ! J’en fais juge Mme Ugalde, qui a autant de courage que de talent, et Offenbach qui a énormément de l’un avec la simple apparence de l’autre.

Il n’y aura qu’un cas où cette figure sera peut-être un contre-sens. Pourra-t-on jamais dire d’un monsieur qu’il a reçu un coup de pied dans le courage ?

Puisque je parle d’Offenbach, il faut que je prenne note d’un joli mot qu’il nous racontait l’autre soir.

Meyerbeer était l’an dernier à Ems. Il avait perpétuellement envie de dormir et s’en plaignait beaucoup.

– Eh bien ! mais, lui dit un de ses amis, le sommeil est une chose excellente c’est la répétition de la mort.

– Ah oui, je sais bien, répliqua Meyerbeer mais ce qui est ennuyeux, c’est la répétition générale.

Repartie attristante quand on songe que la première représentation a eu lieu.

Etretat ne se refuse plus rien il a son théâtre, dirigé par M. Ernest Bardou.

(...)

– Vous manquez d’idées, mon cher M. Bardou, lui ai-je dit l’autre jour, et, permettez-moi cette franchise, vous manquez aussi de tact. Vous jouez, par exemple, Michel et Christine, de M. Scribe, qui est mort, et qui, de son vivant, n’est jamais venu à Etretat, et vous ne jouez rien ni d’Anicet Bourgeois, ni d’Offenbach, ni de Decourcelle, qui sont les princes de cette petite colonie. Tous les auteurs, fût-ce les plus célèbres, emportent leur vanité jusqu’au fond des hameaux. Ils entraîneraient toute la population si vous représentiez leurs ouvrages, et se croiraient intéressés au succès de votre théâtre. Voilà le vrai moyen de gagner de l’argent.

Le lendemain, M. Bardou affichait :

LES DEUX AVEUGLES
Paroles de Jules Moineau (textuel), musique d’Offenbach.

– C’est bien, lui dis-je, Offenbach sera content. Mais Decourcelle ?

– Monsieur, me répondit-il, Mademoiselle Rose est à l’ÉTUDE !

Après la représentation des Deux Aveugles :

– Mon cher M. Bardou, dis-je, Offenbach revient d’Ems, où chaque soir la musique du théâtre allait exécuter sous ses fenêtres les meilleurs morceaux de son répertoire, au grand contentement du public qui adore ce jeune maître. Pourquoi ne donneriez- vous pas aussi une sérénade à Offenbach ? Il vous en sera reconnaissant, le monde d’Etretat également, et ce sera pour vous une excellente réclame. Je sais bien ce que vous allez me dire : Vous n’avez qu’un violon...

(...)

H. de Villemessant.

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