Ce soir, au Palais-Royal, 100e représentation de la Vie parisienne.
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Rouen, 6 février 1867
Monsieur Valentin,
J’ai lu, il y a quelques jours, dans le Figaro, qu’un habitant de notre ville a tenu à vous apprendre, d’une manière peu flatteuse pour nous, que la Vie parisienne n’avait pas obtenu le succès que peut être on était en droit espérer.
Sans discuter ici tout l’à-propos du parallèle établi entre l’interprétation du grand tragédien Talma et celle de nos artistes, ce Rouennais ne serait-il pas mépris sur la démonstration qui a eu lieu au Théâtre des Arts ? Est-il bien sûr qu’on ait voulu siffler les artistes et non le genre de pièce ?
L’on peut, je crois, et cela se voit parfois, protester contre une œuvre quelconque sans que les artistes chargés de l’interprétation assument rien pour eux du mécontentement de l’auditoire.
Quant au fait qu’il nous impute d’avoir sifflé Talma, sait-il que le célèbre tragédien, à qui l’on avait vanté la délicatesse du public rouennais, s’était fait fort de lancer un cuir au beau milieu d’une tirade, en défiant l’assistance de s’en apercevoir ?
Qu’est-il arrivé ? Peut-être le fait s’était-il ébruité. On s’en est aperçu, on a sifflé et on a bien fait.
Talma n’en est pas moins pour cela regardé chez nous comme le prince de la tragédie.
Recevez, monsieur, etc.
E. Duaner,
au Mont-St-Aignan, près Rouen
Jules Valentin.