Une troupe française joue en ce moment la Grande-Duchesse à New-York, et voici ce qu’on lit à ce sujet dans le Courrier des États-Unis :
« Le succès de la Grande Duchesse est prodigieux et dépasse toutes les espérances. À la Bourse, dans les hôtels, dans les restaurants, la Grande Duchesse est devenue le sujet quasi-unique des conversations. Les interprètes sont des plus populaires et on les désigne par les noms dont ils sont affublés sur le théâtre. On ne dit plus : « J’ai vu mademoiselle Tostée. » mais : « La grande duchesse était hier à telle heure dans Broadway. Elle pensionne chez M. un tel, au coin de Waverley Place et Mc Dongal. » On ne comprendrait pas qui s’exprimerait ainsi : « Le célèbre canotier international, M. Bennet Junio, a été présenté à mademoiselle Tostée. » Il faut dire : « Le mamamouchi en second du Hérald s’est fait présenter à la grande duchesse. » On en dit pas : « M. Guffroy se promène en paletot-sac, » mais « Fritz avait l’air transi hier matin. » On dit encore : « J’ai rencontré Boum, je l’avais pris d’abord pour Sheridan, mais l’air beaucoup plus intelligent de Boum m’a détrompé. » Et ainsi de suite pour les autres artistes. Il leur faudra jouer d’autres rôles pour que le public consente à les débaptiser.
Sauf un honorable Mexicain qui a entrepris de donner des leçons de bon goût aux Parisiens, la Grande Duchesse n’a pas trouvé un seul critique, et, comme le constate le Hérald, c’est un succès sans précédent. »
Jules Prével.