Avant-hier, au Grand-Théâtre de Nantes, la fin de la soirée a été troublée par un incident qui a eu pour cause une méprise.
Le Phare de la Loire dit qu’on terminait le spectacle par Orphée aux Enfers devant une salle à peu près vide ; les artistes jouaient avec une distraction, un laisser-aller passé depuis quelque temps en habitude dans cet ouvrage, ainsi que dans Barbe Bleue. Ils ne s’occupaient, en un mot, guère plus de la salle que la salle ne s’occupait d’eux.
On s’en apercevait aux conversations, et des jeunes gens placés dans une baignoire de gauche trahissaient particulièrement leur inattention. Un enfant était assis dans l’enceinte de l’orchestre, presque au-dessous de leur loge ; l’un d’eux, tirant un décime de sa poche, fit signe au jeune garçon de tendre la main et lui jeta l’obole. Le gros sou, au lieu d’aller à sa destination, fit fausse route et tomba sur le malencontreux piano par lequel on a remplacé la harpe dans l’accompagnement.
Il paraît que M. Duplan, M. Née et madame Née, qui étaient en scène, crurent que ce billon avait été lancé sur le théâtre, et le premier surtout donna des témoignages d’une vive irritation, allant jusqu’à des menaces par gestes. Le quatrième acte finit au milieu d’une extrême agitation, et quand la toile se releva pour le cinquième, la mimique de M. Duplan et les regards de M. Née attestaient assez que l’entr’acte n’avait pas
suffi à les calmer.
Ces faits sont en tous points regrettables. Nous comprenons très bien le sentiment de dignité qui fait que les artistes veulent être respectés mais ils doivent toujours se rappeler qu’en face du public, leur premier devoir est de le respecter eux-mêmes.
Jules Valentin.
