Avant de commencer son Odyssée départementale et de s’élever majestueusement en ballon, le citoyen Gambetta prit soin, comme on sait, de procéder, en collaboration de l’illustre Pipe en-Bois, à l’épuration et au renouvellement de toutes les administrations de nos chefs-lieux. Puis, ayant ainsi pourvu à la satisfaction de ses jeunes copains des brasseries, il nous quitta pour aller se nommer ministre de la guerre. C’est une des pages joyeuses de ces quatre derniers mois, et nous donnerions là-dessus de bien jolis détails, s’il ne s’y trouvait un point rouge.
Il y avait dans les bureaux du ministère de l’intérieur un enfant appelé Francis Mitchell. Il avait dix-sept ans – son père en a soixante-dix-sept ! – C’était une nature fine, aimable, charmante. Il débutait et gagnait cinquante francs par mois. Le citoyen Gambetta, qui bourrait les moindres recoins des amis que l’on sait, s’avisa cependant qu’il fallait appliquer ses idées sur les économies à faire et l’épuration du personnel. Il supprima les cinquante francs par mois du petit Mitchell, et ceux de quelques pères de famille, employés également irréprochables, auxquels, dans la droiture immaculée de ses principes, il refusa même le payement échu d’un mois de travail.
Francis Mitchell, qui est beau-frère d’Offenbach, dont le père n’est pas riche, dont le frère ainé est prisonnier des Prussiens, s’engagea dans les volontaires. Nous l’avons vu sous les armes. Il était de ceux chez qui le courage n’attend, pas les années. Le pauvre enfant est tombé sur le champ de bataille de Buzenval, la tête traversée de part en part par une balle. On l’a enterré mercredi. Que son sang soit léger à ceux sur lesquels il pourrait rejaillir !
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