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Lettre vénitienne

Le Figaro – Samedi 4 avril 1868

III

Venise, le 31 mars 1868.

La commission française et la délégation de la presse ont laissé ici une arrière-garde composée de MM. Henri Martin, Hébrard et Castagnary. M. Henri Martin suit les salons comme un chroniqueur, M. Hébrard étudie les courants politiques comme un historien, et M. Castagnary est très inquiet du Giorgione, qu’il poursuit d’église en église et de musée en musée, sans le rencontrer.

Je n’ai rien à vous dévoiler sur la vie privée des Français attardés dans la ville de Véronèse et d’Armand Baschet. L’art dramatique national est représenté sur la place Saint-Marc, et vous saurez que la fille d’Agamemnon, roi des rois, la rivale de madame Barbe-Bleue, la Vénus aux carottes elle-même était hier, à midi, en contemplation devant le Triomphe de Venise, au palais des doges.

Cette rencontre inattendue, qui bouleverse complètement la couleur locale, et qui associe la pensionnaire de MM. Fournier et Cogniard à l’idée du Tintoret et de la Reine de l’Adriatique a laissé, M. Henri Martin assez froid. Pour nous, qui ne vivons pas dans l’intimité de la muse sévère de l’histoire, et qui nous piquons de connaître nos modernes, nous avons été vivement impressionnés par cette apparition, qui nous a rappelé tout un monde de choses et nous a donné la nostalgie du boulevard. Les refrains d’Offenbach ont chanté dans notre mémoire, et le cortége de Bu qui s’avance, évoqué par notre imagination, s’est mêlé aux pompeuses allégories de Paolo Caliari.

(...)

Marquis de Villemer.

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