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Théâtre des Bouffes-Parisiens

Revue et gazette musicale de Paris – 19 janvier 1879

La Marocaine, opéra bouffe en trois actes, paroles de M. Paul Ferrier, musique de M. Jacques Offenbach. – Première représentation, le lundi 13 janvier.

Un opéra bouffe a-t-il absolument besoin de la collaboration de deux auteurs ? M. Ferrier, homme d’esprit et de talent, a-t-il été mal inspiré pour cette fois ? Nous ne savons. Toujours est-il que nous trouvons difficilement le courage de raconter à nos lecteurs les aventures de Fatime, du sultan Soliman et du grand Vizir Ottokar (pourquoi ce nom tudesque au Maroc ?) L’auteur a compté sur les turbans, les barbes, les costumes, sur le vol de jeunes houris qui s’abat sur la scène des Bouffes ; il a compté aussi sur le musicien, mais il a poussé si loin la modestie qu’il n’a pas compté sur lui-même, et qu’il n’a fait qu’une pièce bouffonne sans gaieté, excentrique sans originalité ; c’est une revanche à prendre, et M. Paul Ferrier s’y connaît, en revanches.

M. Offenbach, aussi peu aidé que possible par ce poëme, a su trouver cependant quelques jolies pages, qui ont été applaudies. Il n’a pas toujours suivi son librettiste dans la voie où celui-ci l’entrainait, et, à part quelques morceaux, ce n’est pas la bouffonnerie qui domine dans la partition de la Marocaine. La sérénade : « Aux baisers de la nuit sereine », qui ouvre le premier acte, a de la grâce, du charme et une certaine couleur orientale des plus agréables ; il en est de même du chœur de femmes qui accompagne le chant du muezzin. Après ce morceau, nous entrons dans les couplets jusqu’au finale ; quelques-uns sont bien venus. Citons ceux de Fatime, le gentil duetto : « Donc, pour les mœurs », le chaut de Soliman avec son accompagnement de tambour, tout à fait dans la manière d’Offenbach, et le finale : « Je suis sultane », qui a de la gaieté el de l’entrain et que Mlle Paola Marié a dû répéter.

Le second acte débute par de jolis couplets des sultanes. Les morceaux d’ensemble sont ici plus nombreux. Le quatuor des baisers est bien en scène et mélodique, le quatuor : « Pour préserver mon Attalide », avec son joli refrain en valse : « nous sommes quatre », est une des bonnes pages d’Offenbach. Je n’ai rien à dire de la barcarolle d’Alcazara, sinon qu’elle donne de l’éclat et de la gaieté au finale.

Le dernier acte, qui a failli tout perdre, par un malencontreux récit de bataille, sur lequel M. Ferrier comptait peut-être, renferme deux morceaux bien venus ; l’un, la romance : « Ayez pitié de nos alarmes », moitié sérieuse, moitié plaisante, est du plus comique effet ; l’autre, la chanson du Cheïck, a reçu très-bon accueil.

Au résumé, l’honneur du musicien est sauf, et c’est ce qu’il fallait démontrer.

Mlle Paola Marié porte tout le poids de la pièce et le soutient bravement. Elle a du feu et de l’entrain, elle brûle les planches. Mlles Hermann et Mary Albert ont eu du succès. L’une est une jolie enfant qui joue et chante avec naïveté et nous promet une charmante chanteuse d’opérette ; l’autre tire très-bon parti du rôle de Séline. M. Milher n’a pas été heureux pour ses débuts aux Bouffes, et, cependant, il a trouvé moyen d’être souvent amusant dans le personnage bien usé du sultan Soliman. Jolly (Ottokar) a une gaieté froide et originale qui relève ce que le rôle a d’effacé. Mettons à l’actif de la direction une mise en scène réellement luxieuse [1] et des costumes chatoyants, agréables à l’œil et dessinés avec infiniment de goût.

H. Lavoix fils.

[1Sic.

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