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Théâtres

Le Gaulois – Mercredi 15 janvier 1879

Bouffes.La Marocaine, opéra-bouffe en trois actes, de M. Paul Ferrier, musique de M. J. Offenbach.

Avec la meilleure volonté du monde, il a été de toute impossibilité, au public bienveillant et sympathique qui remplissait hier la salle des Bouffes, de faire un succès à la nouvelle pièce. On aurait voulu applaudir les artistes qui se démenaient vaillamment sur la scène, et qui mettaient tous leur efforts à défendre un ouvrage qu’ils sentaient se dérober sous eux. Les bravos officiels de la claque restaient sans écho, les sourires se figeaient aux lèvres, et le spectacle se déroulait lamentablement devant une salle somnolente.

C’est qu’il était difficile aussi d’imaginer un poème plus vieillot, une action plus dénuée d’intérêt, des plaisanteries plus usées, et il n’est pas étonnant que le musicien, se trouvant si mal inspiré par son collaborateur, n’ait pas pu donner carrière à cette verve dont il nous offrait dernièrement encore un échantillon dans Madame Favart.

Il n’y a pas une scène amusante, pas une phrase gaie, pas un mot drôle dans ces trois actes. On ne comprend pas qu’un auteur qui a eu de l’esprit et qui l’a prouvé soit devenu si complètement terne, et il est fâcheux que ce soit précisément sur les Bouffes, un théâtre auquel on souhaitait un peu de chance, que vienne échouer ce fruit mal venu d’une imagination tarie.

L’intrigue (?) se traîne dans une série de tableaux orientaux où l’on voit un sultan gâteux jeter, son mouchoir à tabac aux odalisques langoureuses ; le tout se complique d’une invasion dans le sérail par une bande d’amoureux qui roucoulent à la barbe des eunuques. Cela se dénoue à la diable, au milieu de péripéties sans queue ni tête.

Cette turquerie bien inutile a été mal accueillie. Je n’insisterai pas plus sur la nullité du poème que sur l’insuffisance de la partition. Il ne me reste qu’à plaindre M. Comte d’avoir si luxueusement monté la pièce, et qu’à louer les artistes qui l’ont, jusqu’au bout, interprétée avec conscience et talent.

Mmes Paola Marié, Mary-Albert, une débutante gentille Mlle Hermann, sont gracieuses et charmantes MM. Milher, Jolly et Bonnet se battent les flancs pour faire rire. Ils n’y réussissent que trop rarement.

François Oswald.

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