Par date

Théâtre des Bouffes-Parisiens

La France musicale – 19 février 1860

Le Carnaval des Revues

Les Bouffes-Parisiens ont voulu avoir leur descente de la Courtille et ils l’ont eue. Allez voir le Carnaval des Revues, et si vous avez la patience de braver les trois ou quatre premiers tableaux, vous verrez ensuite défiler sous vos yeux les plus désopilantes bouffonneries que l’imagination puisse rêver au milieu des hallucinations du mardi gras. Traversez au pas de course les boulevards qu’encombrent les charlatans de tout genre ; fuyez bien vite le bois de Boulogne, beaucoup moins agréable l’hiver avec la glace de ses lacs tranquilles ployants sous le poids des patineurs du Prophète, que l’été avec sa luxuriante verdure et ses gracieux sentiers sillonnés par les belles promeneuses ; ne vous arrêtez pas davantage en Chine, où le seigneur Bataclan a la prétention de vous montrer le soleil en pleine nuit : il est évident que le magicien du théâtre des Bouffes a eu son but en mettant le public à ce régime d’impatience durant trois quarts d’heure : [1] il comptait sur le tableau des Champs Elysées pour assurer le succès de sa revue, et il a tout sacrifié à cet épisode, qui restera comme un modèle de bouffonnerie musicale. Il y en a qui prétendent que c’est une spirituelle parodie de la musique de l’avenir ceux-là sont dans une complète erreur ; c’est tout bonnement une page furtivement détachée par M. Offenbach d’une des partitions de M. Wagner que les Parisiens ne connaissent pas encore. C’est une scène prise sur le fait, et M. Offenbach n’a eu qu’à la transporter sur son théâtre. Il se peut que pour rendre plus compréhensibles certaines phrases un peu trop embrouillées, M. Offenbach y ait ajouté quelques points et quelques virgules, mais là, sans doute, a dû se borner son travail, et c’est ce qu’il pouvait faire de plus spirituel.

On irait voir le Carnaval des Revues rien que pour le tableau des Champs Elysées ; mais il y en a encore d’autres qui méritent d’être vus ; de ce nombre est la bacchanale de la fin, où l’on voit défier, comme une troupe de Ménades en joie, les plus jolies Femmes des Bouffes-Parisiens, sur de la musique comme Offenbach seul sait la trouver, de la musique a faire danser des morts dans leur cercueil.

Le Carnaval des Revues attirera la foule. La pièce est jouée avec un entrain irrésistible par Mlle Tautin, Chabert, Tosté, Maréchal, MM. Léonce, Désiré et Guyot.

M. E.

[1Sic

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager