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Petite chronique musicale

Le Figaro – Dimanche 3 août 1856

(…) Ce n’est pas la direction des Bouffes-Parisiens qu’on accusera jamais de vouloir immobiliser ses joyeuses bagatelles. Pour cette scène des gais refrains sans prétention, l’été n’a point de feux, l’hiver n’a point de glace ! – L’opérette que ce théâtre vient de représenter sous ce titre, le 66 !!! appartient au genre plus tempéré et plus musical de la Nuit blanche et du Violoneux. C’est l’histoire morale d’un chanteur tyrolien qui croit avoir fait fortune à la loterie de Vienne. Vaniteux et oublieux comme le héros du conte de Voltaire, mis en musique par Nicolo, notre chanteur est sur le point de trahir ses serments et de délaisser ses amours, lorsqu’il s’aperçoit que son fameux 66, qui est le numéro gagnant, se trouve être malheureusement le 99. La fortune, en mettant la main au sac, a confondu bout-ci bout-là avec bout-ci bout-ci.

On s’aperçoit qu’Offenbach a surveillé sa facilité naturelle au moment d’écrire sa partition ; il a voulu prouver, ce dont personne ne doutait, qu’il pouvait, lui aussi, composer de la musique forte. Il a donc placé dans le 66 un trio de scène très bien agencé, très harmoniquement déduit et qui fera plus d’effet aux représentations suivantes, lorsque les chanteurs seront plus sûrs de leur mémoire.

Mais ce qui a décidé sur-le-champ le succès de l’opérette, c’est un duo en tyrolienne, la seconde partie du trio précédent et des couplets fort spirituellement déclamés sur le mot cocasse. – Voilà le domaine d’Offenbach, voilà sa spécialité et, je dirai plus, sa supériorité sur ses ses confrères. Grétry n’a guère fait que des chansons, et il est immortel. On peut bien s’encanailler à la suite d’un pareil maître. Allons, pas d’ambition ! Que le compositeur de 66 !!! laisse aux grands musiciens sans idées la tâche d’ajouter un sixième acte à la Reine de Chypre. Ils sont capables d’y réussir ; qu’il se borne, quant à lui, à écrire des choses légères comme la tyrolienne à deux voix, et je lui réponds de la réussite de ses ouvrages et du succès de son théâtre.

Une jeune actrice que je ne connaissais,pas encore (elle se nomme mademoiselle Maréchal) a dit avec un inimitable brio la tyrolienne en question, au point qu’on a voulu l’entendre deux fois. Mademoiselle Maréchal est jolie, distinguée, avec un œil vif et les dents belles ; ce qui lui manque encore, c’est la physionomie, et peut-être la grâce. Gerpré, qui lui donnait la réplique, a de l’entrain. C’est un de ces comiques boute-feu qui remplacent le naturel par la vivacité. Guyot, dans le rôle du Colporteur, n’a été supportable ni comme acteur ni comme chanteur. Est-ce la faute du rôle, est-ce la sienne ? – renvoyés dos à dos.

B. J.

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