Par date

Théâtre des Variétés

Revue et gazette musicale de Paris – 3 mai 1874

Reprise de la Périchole. — 25 avril.

On sait quelle vogue obtint vers la fin de 1868, la Périchole, cette Manon Lescaut de l’opérette. C’était au plus beau temps de Barbe-Bleue et de la Grande-Duchesse. Dès le lendemain de la première représentation, que de refrains étaient populaires ! Quel est celui d’entre nous qui n’a pas entendu au point d’en être agacé, « Il grandira », « Les femmes », et surtout la Lettre de la Périchole ? Les auteurs n’ont pas voulu laisser oublier un pareil succès. Ils ont repris leur pièce, l’ont rajeunie par un nouveau dénoûment, lui ont donné trois actes au lieu de deux, et, sous cette forme, l’ont présentée de nouveau au public. Don Andrès de Ribeiro n’est plus ce prince débonnaire qui finissait par céder aux vexations dont ses sujets mécontents l’accablaient impitoyablement ; non, c’est un farouche tyran qui a soif du sang de ses victimes, qui se repaît avec bonheur des douleurs de Piquillo et de la Périchole gémissant sur la paille des cachots, accablés sous le poids des fers. Mais, ni plus ni moins qu’à l’Ambigu, le vice est puni et la vertu récompensée ; grâce à un vieux prisonnier de profession autant que de naissance, les deux amants rendent à Andrès la monnaie de sa pièce, l’enchaînent à leur place et s’enfuient. Enfin le vice-roi délivré revient à de meilleurs sentiments, on lui chante une complainte qu’il ne connaissait pas encore, cela l’émeut, il pardonne et tout finit pour le mieux. Ce dénoûment a été fort bien reçu, et on a fort ri de la scène de la prison.

Le musicien a imité ses collaborateurs dans cette rénovation de la Périchole. Non-seulement il a donné plus de développement à quelques morceaux, comme la scène de l’arrestation, mais encore il a augmenté sa partition d’un acte entier, qui a toute la gaieté et toute la fraîcheur des deux autres. Il a su donner à sa musique nouvelle l’entrain qui brillait dans l’ancienne, sans cependant oublier le sentiment mélodique et la grâce qui ont fait, par exemple, le succès de la Lettre.

Nous n’avons pas un choix à faire parmi les morceaux qui composent le troisième acte ; tous ont été très-bien reçus et quelques-uns ont été bissés. La scène s’ouvre par une romance chantée par Dupuis, empreinte d’une sentimentalité comique qui contraste spirituellement avec les paroles. Puis vient un duo dans lequel on a bissé de charmants couplets très-bien dits par Mlle Schneider, sur ces paroles : « Tu n’es pas beau. » Après ce morceau, deux autres se suivent sans se ressembler : l’un est un franc éclat de rire, l’autre une amusante parodie des trios italiens. Dans le premier, le couplet court, sautillant et gai, sur le joyeux tintin des clefs de la geôle ; dans le second, Grenier, prudemment soutenu par un basson, pose longuement dans une de ces phrases filandreuses si chères à nos voisins d’outre-monts, le sujet d’un trio qui se termine à l’italienne de la façon la plus comique.

Au quatrième et dernier tableau, la toile se lève sur un des meilleurs morceaux de la partition. Les prisonniers se sont échappés, la garnison de Lima est sur les dents, position commode pour prendre la lune, mais peu pratique pour rattraper des fugitifs ; les femmes caquettent, chacun cherche, chacun court, chacun crie, les rondes sillonnent la ville ; de toute cette scène, Offenbach a su faire une page charmante. Le pas mesuré des patrouilles, le bavardage des commères, tout se mêle dans une marche finement rhythmée, dans une valse bien tournée, et forme un ensemble des plus colorés. Enfin la pièce se termine par la complainte de « la Clémence d’Auguste » mélodie bouffonne qu’Offenbach nous a servie, enveloppée dans un accompagnement de basson franchement comique. Ajoutez à cela les morceaux de l’ancienne partition qui ont été bissés comme les couplets des femmes, la griserie-ariette, et nous pouvons constater qu’avec la reprise de la Périchole, le théâtre des Variétés tient un succès de plus

L’interprétation première a peu changé ; c’est toujours Mlle Schneider qui joue la Périchole ; Dupuis a gardé son rôle de Piquillo, Baron et Léonce ont remplacé Christian et Lecomte. Il est impossible de dire jusqu’à quel point Mlle Schneider détaille finement le couplet ; elle a retrouvé son succès d’autrefois. Dupuis est bien amusant avec ses étonnements, ses colères, ses jalousies, il chante avec infiniment de gaieté et d’entrain les couplets des femmes. Grenier est toujours l’excellent comédien que l’on sait. Daniel Bac, chargé du seul rôle nouveau de la pièce actuelle, s’en acquitte avec une conscience vraiment digne d’éloges. Baron a eu un véritable succès de fou rire. Quant à Léonce, il me rappelle le trombone des Saltimbanques : pour ceux qui aiment sa note, il est excellent.

H. Lavoix fils.

Par date
Par œuvre
Rechercher
Partager