PREMIÈRE DES CONTES D’HOFFMANN
Une première représentation comme on n’en voit pas tous les jours, sans cela nous serions trop heureux.
Offenbach, sur un livret de MM. Jules Barbier et Michel Carré, a composé un opéra fantastique ; Vizentini, alors qu’il dirigeait le Théâtre-Lyrique, avait obtenu la partition.
Il rêvait des merveilles ; il devait y avoir notamment un royaume des Joujoux, qui aurait été le dernier mot du magnifique.
Il n’eut pas le temps de réaliser son projet.
Les autres théâtres étaient chargés d’ouvrages à monter, il aurait fallu attendre. Sur ces entrefaites, on proposa à Offenbach de monter à Vienne les Contes d’Hoffmann. La proposition était des plus tentantes : il est adoré en Autriche ; il accepta.
Mais en même temps, il comprit qu’il nous devait absolument la primeur de son œuvre ; nous ne lui aurions jamais pardonné de nous en priver.
Voilà pourquoi hier soir son grand appartement du boulevard des Capucines était trop petit pour ses amis.
Offenbach a donné une soirée dont il a admirablement fait les honneurs de toutes les façons.
Personne n’a manqué au rendez-vous, et personne n’est arrivé en retard.
Vizentini, qui devait forcément et quand même monter les Contes d’Hoffmann, à Paris, a pu en quelques jours faire un programme de neuf des principaux fragments de l’ouvrage.
Les interprètes étaient MM. Auguez, Aubert, Taskin, Mmes Franck-Duvernoy et Lhéritier ; ils se sont couverts de gloire.
Les chœurs étaient particulièrement curieux à entendre ; ils étaient composés pour les hommes, de plusieurs artistes qui ont chanté au théâtre des rôles importants, MM. Soto et Colomb par exemple.
Les dames étaient Mmes Vizentini, deux des filles d’Offenbach, et plusieurs jeunes filles de leurs amies.
Voilà des choristes comme aucun théâtre n’en aura jamais.
Vizentini conduisait avec un bâton qui lui fut donné à Londres lorsqu’il y dirigeait la Belle Hélène et Barbe-Bleue ; depuis il s’en est toujours servi lorsqu’il a joué de la musique d’Offenbach.
L’audition d’hier n’a duré que deux heures : on a trouvé que c’était bien court ; d’un bout à l’autre on a applaudi avec enthousiasme, et, si l’on n’a bissé que chœur des Etudiants et la barcarolle, c’est pure discrétion et parce que l’on n’était pas au théâtre.
Le dernier morceau terminé, on s’est précipité sur Offenbach, on l’a félicité a l’étouffer. Lui, qui a vu bien des triomphes, il ne s est jamais peut-être trouvé aussi ému.
Les charmantes jeunes filles qui ont chanté les chœurs méritaient bien une récompense elle ne s’est pas fait attendre, et et tout le monde en a profité.
En quelques minutes un bal délicieux a été improvisé, qui s’est prolongé bien avant dans la nuit.
Cette seconde partie de la fête a ou presque autant de succès que la première, ce n’est pas peu dire.
Parisine II.